Au commencement la chaleur

SARKIS
Exposition
Arts plastiques
Galerie Nathalie Obadia Paris 04
Vue de l'exosition "Au commencement la chaleur" par Sarkis

La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Au commencement la chaleur, la sixième exposition de Sarkis après Les vitraux mobiles de Sarkis en 2019 et Intérieurs en 2018. Né en 1938 à Istanbul, l’artiste arrive à Paris en 1964 et développe depuis plus de 60 ans une œuvre prodigieuse qui échappe à toute tentative de classement. À partir des notions de Kriegsschatz (Trésors de guerre), de Leidschatz (Trésor de Souffrance) qui informeront dès 1976 une carrière prolifique, Sarkis a été une figure pionnière pour porter une réflexion historique et esthétique sur les objets pillés, soustraits. À l’heure où les institutions internationales s’emparent de cette problématique brûlante devenue sujet de préoccupation muséale évident, Sarkis poursuit avec vérité une analyse critique initiée il y a près de 45 ans.

Au commencement la chaleur se compose d’un ensemble de Scènes en cuivre, de Plans Brûlés avec néons S.W.N.0 et d’une œuvre sur papier de la série Main/Feu. Hautement incandescente, l’exposition enveloppe le spectateur dans un décor que les émanations rougeoyantes des œuvres attisent.

Initiée en 1997, la série des Plans Brûlés avec néons S.W.N.0 est présentée la même année à la Galerie Barbara Claassen-Schmal à Brême, pour la première fois. Chaque œuvre figure les 4 points cardinaux (Nord, Ost, West, Süd) reproduits en néon sur un cadre en bois d’après l’écriture manuscrite de l’artiste : leurs positionnements sont sciemment inexacts et déroutent d’emblée notre assise spatiale. Les plans représentés sont des relevés topographiques de lieux déterminants pour Sarkis dont il dessine les principaux éléments de mobilier en flammes, à l’aquarelle rouge. Ainsi, 1997 S. O. W. N. (galerie B.) reproduit l’espace embrasé de la Galerie Barbara Claassen-Schmal tandis que 1997. O.S.W.N (Krutenau) évoque sa chambre-atelier de la rue Krutenau à Strasbourg. En charge du Département Art de l’École des Arts Décoratifs de 1980 à 1990, il ne reçoit jamais dans ce monacal logement-atelier mais le lieu est à la source d’une production absolument cruciale dans son œuvre.

Les flammes, faites d’eau et de pigment rouge, disent toute l’intensité et la puissance sourde des matériaux en prise avec l’espace. Éminemment vivants, les objets, la cloison ou le mobilier modélisent la puissance créatrice de l’artiste. Les plans de sols au crayon rappellent la formation de Sarkis et son attachement à l’architecture qui infuse l’entièreté de sa création - ses œuvres, comme ses expositions. Toutes les techniques sont visibles, et les matériaux méticuleusement choisis pour leurs propriétés intrinsèques - le néon est le nerf optique de Sarkis, l’aquarelle distinguée pour son interaction avec la liquidité de l’eau.

La série des Scènes en cuivre porte également la charge de sa matière : le cuivre est préféré pour sa conductibilité électrique et thermique d’une part et sa résistance à la corrosion d’autre part. Sarkis réalise ces portants dans ce métal qu’il considère comme « chaleureux » et les revêt d’étoffes elle-même signifiantes. Les deux premières œuvres de cette série initiée en 2012 endossent des gilets Dozos (Burkina) de la confrérie de chasseurs d’Afrique de l’Ouest ; l’une d’entre elles est actuellement présentée au Musée du quai Branly - Jacques Chirac jusqu’au 27 Juin 2021, dans l’exposition Ex Africa dont le commissariat est assuré par Philippe Dagen.

Une tunique en soie légère chinée avec soin recouvre en partie une cotte de mailles qui reproduit le T de son tuteur, un gilet militaire multipoches et sable pour les opérations du désert (autre typologie de protection individuelle corporelle) enserre une robe fleurie et chatoyante d’une créatrice coréenne. Une veste de camouflage lacérée est parée d’un sac oiseau de la même styliste, dont les ourlets dorés, les sequins et les perles brodées détonnent sur cet équipement aux visées hostiles. Le mât cuivré troué de l’œuvre 2015.03 Sculpture de cuivre avec veste militaire et sac Tsumori Chisato évoquerait presque une flûte, qui harnacherait ainsi son arlequin. Un paradoxe est créé par l’association de vêtements tactiques et belliqueux avec ces tissus allègres et séduisants. Si la guerre n’est pas chose poétique, les éléments qui la déterminent peuvent l’être : c’est cette duplicité qui intéresse Sarkis, tant il trouve du sublime dans le motif camouflage, tel qu’il le décrit dans le titre de l’œuvre 2018. Veste de camouflage en paysage de neige et châle en soie à fleurs.

À la fois « minimales et maximales », ce sont des Totems qui, dans leur massivité, confèrent aux vêtements une dignité certaine. Selon l’artiste, « l’œuvre devient œuvre au moment où celle-ci est montrée, magistrale : le vêtement est fier d’être exposé ». Transcendés par cette édification, ces étoffes accèdent ainsi à un état sculptural culminant ; l’élévation donnant libre cours à leur dimension psychique et spirituelle.

2018.05.17 Main/Feu en 7 couleurs d’arc-en-ciel, sur 3 feuilles superposées vient ensuite ponctuer l’exposition. Le motif est fait d’empâtements de peintures aux couleurs de l’arc-en-ciel et représente une matrice à la physionomie de main et à la silhouette de flammes en combustion. Auréolée par l’huile qui en dégorge sur le papier en y laissant un halo qui nimbe la forme, la matière vivante continue de s’épancher alors même que la main de l’artiste est déjà en retrait. La superposition des feuilles se devine en transparence sous les couches picturales, ajoutant avec cette stratification une perception multipliée de ce flamboiement de désirs.

En composant avec révérence d’après des matériaux agissants, Sarkis propose avec Au commencement la chaleur un accrochage puissant. Avec une maîtrise évidente qui n’enlève rien à la véhémence de son travail, les Plans Brûlés, la Main/Feu et les Scènes en cuivre sont des foyers qui s’embrasent au contact du spectateur. Les fulgurantes combustions provoquées par ces rencontres ne tarderont pas à se muer en lueurs tenaces qui témoignent de toute la nécessité de l’œuvre visionnaire de Sarkis.

Horaires

10h-18h Lundi - Samedi

Adresse

Galerie Nathalie Obadia 3 rue du Cloitre Saint-Merri 75004 Paris 04 France
Dernière mise à jour le 4 mars 2021