Attention, les voilà !

marianna capuano • benjamin grivot • lucas jacquet • clara vidal-rosset • yoon minsuk
Exposition
Arts plastiques
Interface Dijon

© minsuk yoon

 

En 1863, Baudelaire oppose dans un célèbre texte l’artiste au sens d’un spécialiste à « l’homme du monde », celui qui embrasse, parcourt et observe le monde entier, un voyageur toujours en mouvement. Celui qui parcourt « le monde moral et politique ». Ce qui constitue exactement « la morale et l’esthétique de notre temps ».

Jeff Wall ne dit pas autre chose en reconnaissant sa dette à Baudelaire : « Baudelaire à reconnu que, avec l’essor de la notion du quotidien, de la vie vécue dans son actualité par les individus, tout ce qui compte devait être exprimé dans les termes de cette expérience de l’actualité, à tout moment, et que cette expérience devait être capable d’absorber et de réinventer toutes les formes prédominantes dans lesquelles l’art avait été jusqu’alors imaginé, religieuses, mythiques, rationalistes, etc. Tout devait pouvoir se retrouver « dans la rue », où l’auréole du poète est à jamais tombée ».

Au début des années 60, la performance apparue à New York (Susan Sontag) a permis à l’art de se libérer du cadre du musée et de la galerie, investissant ainsi tout lieu disponible, un garage, un appartement, le désert etc., en un mot la rue.

Mais bien sûr cette notion n’est pas propre à l’art et s’étend à tout les champs des activités humaines, dans l’entreprise, la communication, la publicité, le tourisme, la guerre. Jeff Wall, intégrant cette notion, montre comment celle-ci a peut-être provoqué « la chute du poète dans la rue ». La rue est le paradigme d’une société de la performance, pour qui aucun espace ne saurait échapper à son emprise, l’espace privé quel qu’il soit devenant le lieu rétréci de la ruine.

Les voilà donc, ces jeunes artistes du XXIe siècle, conscients de parler et d’agir depuis la rue sur un champ de ruines, comme Lucas Jacquet ; reconstruisant à coup de mots comme des serpes bien aiguisées (Clara Vidal-Rosset) un espace du langage commun dans toute sa poétique ; allant retrouver dans les lieux de l’origine tout aussi bien que dans les squats de la mégalopole ce qui survit du chant des peuples (Marianna Capuano) ; cherchant dans le tempo de la musique cela même qui la met à mal et la rend dissonante aux rythmes du quotidien (Benjamin Grivot) ; alors que Yoon Minsuk engage son corps débridé comme une invite à partager ces rythmes dans un lieu éphémère.

Si le monde contemporain dans son efficacité performative semble détruire l’espace public, la rue, alors ces jeunes artistes nous montrent peut-être où et comment cet espace du commun peut encore exister.

Philippe BAZIN

Complément d'information

Cette exposition est une invitation d’Interface faite à l’ENSA Dijon, avec une sélection d’oeuvres des étudiants de 5 ème année Art par Philippe Bazin, artiste et professeur à l’ENSA Dijon

Partenaires

Ecole Nationale Supérieure d'Art de Dijon

Horaires

ouvert du mercredi au samedi de 14h à 19h

Adresse

Interface 12 rue Chancelier de l'Hospital 21000 Dijon France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022