Arnold Odermatt

On and Off Duty
Exposition
Photographie
Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris 06

Bellinzona, 1965, C-Print, 50 x 50 cm, édition de 15, © Urs Odermatt, Windisch, Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris

Il existe déjà dans le monde de l’art une légende Odermatt, celle de cet agent de police suisse vivant dans le canton reculé de Nidwalden, où il prit toute sa vie et «dans le cadre de ses fonctions» des photographies qui se seraient assoupies sans doute à jamais dans les archives d’un commissariat si le grand Harald Szeemann ne les avait un jour découvertes par hasard et montrées fissa à la Biennale de Venise de 2001, prolongeant une longue tradition, plus ou moins fantasmée, de l’histoire de l’art, voulant qu’un génie ignoré soit soudain révélé aux yeux du monde. Une belle histoire qui n’est ni tout à fait fausse, ni tout à fait vraie, puisqu’avant Venise et dès 1993, Arnold Odermatt fut exposé plusieurs fois, en Suisse, en Allemagne, en Autriche et en Grande-Bretagne, ce qui fait déjà beaucoup pour un «inconnu» qui n’aurait pas été conscient de l’intérêt de son travail. Mais le baptême vénitien fit en effet définitivement franchir les frontières et les océans aux images du retraité helvète. D’abord connu pour ses Carambolages, ces photographies en noir et blanc d’accidents de voiture avec lesquelles il «illustrait» ses rapports de police, Arnold Odermatt a peu à peu dévoilé les autres pans de ce qui se révèle être une vie de photographe : on duty, en service, des policiers dans leur bureau ou à la manoeuvre, des paysages de prévention routière ou encore des phares de voitures sculptés par la chaleur d’un incendie; off duty, tout un monde nouveau que l’on découvre aujourd’hui et qui est celui de l’intimité familiale, des portraits heureux de ses enfants aux souvenirs de vacances. On et off, comme un appareil photo que l’on allume ou qu ‘on éteint, Arnold Odermatt l’est aujourd’hui comme il l’a sans doute été toute sa vie. Off parce que très éloigné pendant des décennies du monde de l’art et de la conscience de réaliser une démarche «artistique», mais néanmoins on, parce que le policier n’était pas du genre à penser «jamais pendant le service» et qu’après avoir fait les clichés règlementaires, il en faisait d’autres, «pour lui», assumant une recherche formelle et esthétique dont les clichés de la fin des années 1940 témoignent déjà, d’une voiture hissée hors d’un lac, telle une baleine, ou de ces accidents qui ont la beauté sculpturale de la célèbre locomotive suspendue sur la façade de la Gare Montparnasse (en 1895 !) plutôt que la violence de faits divers des Accidents de Warhol. Off parce qu’Odermatt ne se rattache à aucune école, que Düsseldorf et ses Becher sont loin des forêts de Nidwalden, et pourtant On, parce que ses images renvoient malgré tout les échos lointains des recherches photographiques des années 1960-1970, du goût pour la neutralité à une tendance «plasticienne» et à un usage de la couleur qui éclate avec virtuosité dans les photos prises à Lausanne (1964) ou à Bellinzona (1965). On et off, enfin, parce que si Odermatt, par son relatif isolement et par les années au cours desquelles il travaille, vit avant l’ère de l’homo photographicus, avant le numérique, l’intégration de la photographie dans l’art contemporain et son triomphe public, il rappelle magnifiquement que ce n’est pas un regard rétrospectif qui élève des images au rang d’oeuvres d’art, mais plutôt que nos yeux sont capables de voir aujourd’hui ce qu’ils ne voyaient pas hier, mais qui existait déjà, pleinement. Vincent Huguet

Complément d'information

Il existe déjà dans le monde de l’art une
légende Odermatt, celle de cet agent de
police suisse vivant dans le canton reculé
de Nidwalden, où il prit toute sa vie
et «dans le cadre de ses fonctions» des
photographies qui se seraient assoupies
sans doute à jamais dans les archives
d’un commissariat si le grand Harald
Szeemann ne les avait un jour découvertes
par hasard et montrées fissa à la Biennale
de Venise de 2001, prolongeant une longue
tradition, plus ou moins fantasmée, de
l’histoire de l’art, voulant qu’un génie
ignoré soit soudain révélé aux yeux du
monde. Une belle histoire qui n’est ni
tout à fait fausse, ni tout à fait vraie,
puisqu’avant Venise et dès 1993, Arnold
Odermatt fut exposé plusieurs fois, en
Suisse, en Allemagne, en Autriche et en
Grande-Bretagne, ce qui fait déjà beaucoup
pour un «inconnu» qui n’aurait pas été
conscient de l’intérêt de son travail.
Mais le baptême vénitien fit en effet
définitivement franchir les frontières et
les océans aux images du retraité helvète.
D’abord connu pour ses Carambolages, ces
photographies en noir et blanc d’accidents
de voiture avec lesquelles il «illustrait»
ses rapports de police, Arnold Odermatt
a peu à peu dévoilé les autres pans de ce
qui se révèle être une vie de photographe :
on duty, en service, des policiers dans
leur bureau ou à la manoeuvre, des paysages
de prévention routière ou encore des
phares de voitures sculptés par la chaleur
d’un incendie; off duty, tout un monde
nouveau que l’on découvre aujourd’hui
et qui est celui de l’intimité familiale,
des portraits heureux de ses enfants
aux souvenirs de vacances. On et off,
comme un appareil photo que l’on allume
ou qu ‘on éteint, Arnold Odermatt l’est
aujourd’hui comme il l’a sans doute été
toute sa vie. Off parce que très éloigné
pendant des décennies du monde de l’art et
de la conscience de réaliser une démarche
«artistique», mais néanmoins on, parce que
le policier n’était pas du genre à penser
«jamais pendant le service» et qu’après
avoir fait les clichés règlementaires, il
en faisait d’autres, «pour lui», assumant
une recherche formelle et esthétique dont
les clichés de la fin des années 1940
témoignent déjà, d’une voiture hissée hors
d’un lac, telle une baleine, ou de ces
accidents qui ont la beauté sculpturale
de la célèbre locomotive suspendue sur la
façade de la Gare Montparnasse (en 1895 !)
plutôt que la violence de faits divers des
Accidents de Warhol. Off parce qu’Odermatt
ne se rattache à aucune école, que
Düsseldorf et ses Becher sont loin
des forêts de Nidwalden, et pourtant On,
parce que ses images renvoient malgré
tout les échos lointains des recherches
photographiques des années 1960-1970,
du goût pour la neutralité à une tendance
«plasticienne» et à un usage de la couleur
qui éclate avec virtuosité dans les photos
prises à Lausanne (1964) ou à Bellinzona
(1965). On et off, enfin, parce que si
Odermatt, par son relatif isolement et
par les années au cours desquelles il
travaille, vit avant l’ère de l’homo
photographicus, avant le numérique,
l’intégration de la photographie dans
l’art contemporain et son triomphe public,
il rappelle magnifiquement que ce n’est
pas un regard rétrospectif qui élève
des images au rang d’oeuvres d’art, mais
plutôt que nos yeux sont capables de voir
aujourd’hui ce qu’ils ne voyaient pas
hier, mais qui existait déjà, pleinement.
Vincent Huguet

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois 36 rue de Seine 75006 Paris 06 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020