Anne GÉRARD

Anne Gérard convoque dans sa pratique des techniques qui mettent à mal l’image qu’elle fabrique. Il y a comme une nécessité à la mettre en danger, la malmener, parfois jusqu’aux limites du lisible. Aux gestes prémédités et volontaires de la peinture, elle oppose les "accidents", les traces incontrôlées et autres fruits du hasard. On sent toujours dans ses œuvres quelque chose de l’ordre de l’ambivalence, de la contradiction, mais également une forme de violence contenue, de dérision et de mélancolie.

Dans les dernières séries, on retrouve un élément figuratif travaillé avec précision, mais qui semble pourtant tenir un rôle secondaire : il est en arrière plan ou en marge de la feuille, partiellement recouvert par des taches, des coulures qui tiennent le devant de la scène. De ce que sa main a tracé avant, que vont-elles recouvrir ? Des sillons se forment, des masses colorées apparaissent, sans qu’elle puisse déterminer avec précision la trajectoire qu’elles vont suivre. Ces formes aléatoires sont ensuite "fixées" par des lignes qui viennent en arrêter les contours comme pour mieux apprivoiser le hasard et tenter d’en cerner les limites.

Dans VIE MODE D’EMPLOI, un schéma d’une notice technique (montage de meuble, utilisation d’outil ou d’ustensiles de cuisine, consignes de sécurité...) est sorti de son contexte et scrupuleusement reproduit à une échelle démesurée par rapport à son usage habituel. Le point commun à tous, c’est que l’homme est représenté dans une activité de son quotidien. Dans 1 2 3 SOLEIL, on trouve des enfants en situation de jeu. L’expression du visage est ambigüe ou exagérée. Le dessin est sec, traité avec une certaine froideur.

Dans tous les cas la fluidité de la peinture qui se "répand" de façon généreuse sur la feuille vient contrarier le motif. Cette mise en danger apparaît à la fois angoissante et jubilatoire.