Alain Ceccaroli

Photographies
Exposition
Photographie
Galerie Martagon Malaucène

Les techniques ont bouleversé nos modes d’appréhension du monde. Les transports ont fait éclater distances et voisinages. La perspective n’ordonne plus nos représentations de l’espace. À l’organisation rurale millénaire des champs et des cités se substituent les territoires "sans feux ni lieux " de la rurbanisation. Plus profondément, il nous devient de plus en plus difficile de fonder notre perception de la nature et des paysages sur une expérience physique directe de ceux-ci. Joachim Ritter et Jean Starobinski l’ont montré (1) : depuis que l’homme est moins menacé par la nature, moins asservi aux tâches de simple subsistance, depuis que la technologie lui a permis de faire l’économie d’un affrontement personnel au milieu qu’il façonnait pour le maîtriser, "la culture à reçu en partage le domaine du paysage et l’art s’est efforcé de le repeupler, d’y poursuivre une sorte de connaissance fondée sur d’autres preuves que celle de la représentation scientifique ". Les ingénieurs de l’aménagement du territoire et de la protection de la nature ont depuis longtemps conscience des implications culturelles de leurs actions administratives et techniques. Mais ils n’ont décidé que très récemment d’associer des artistes à leurs projets. Non pour illustrer, dénoncer, démontrer ; non pour sacrifier à une quelconque mode du mécénat ; mais pour enrichir de formulations originales une expérience sensible du paysage. Pourquoi ? Parce qu’à mesure que la science nous délivre des contraintes de la nature, notre rapport au réel se nourrit de plus en plus de transpositions crées par d’autres. Avec le développement des industries d’images et leur diffusion de masse, ces transpositions deviennent faibles et éphémères. Seules résistent celles qui nous sont offertes par l’art. Sans médiations fortes, notre relation à la nature ne risque-t-elle pas de s’appauvrir jusqu’à de caricaturales pratiques hygiénistes ou de passives consommations de spectacles "chromos" ? Alain Ceccaroli abandonna ses activités professionnelles il y a moins de 10 ans pour consacrer sa vie à la photographie. Depuis lors, il poursuit une recherche exemplaire. Des Alpes aux plateaux d’Andalousie, du littoral normand à la Corse, de la Méditerranée à la Guadeloupe, il s’efforce, par les moyens de l’art de nous rendre présent un réel de plus en plus insaisissable, d’en délivrer - comme dit Yves Bonnefoy - la part visible. Son travail n’offre pas un spectacle du monde mais une expérience de celui-ci. Son objectif n’est ni l’efficacité descriptive, ni la pure réussite plastique. Il est la découverte de l’équilibre entre la nécessité de ressaisir la réalité et celle de sa transposition en symboles. La part de description, inhérente à l’enregistrement photographique, n’est nullement négligé ; elle n’est plus une fin. Elle est le moyen de transcription d’une sensation, non de reproduction d’un fait. Ses travaux surmontent la distinction traditionnelle entre document et fiction, objectivité et création et retrouvent cette spécificité de la photographie, depuis l’origine de son histoire, au-delà des illusions du réalisme et des manipulations formelles. Et Ceccaroli incarne bien cette conscience des artistes qui, par la nature même de leur médium - l’enregistrement optique - se servent de la photographie pour restituer le réel autant qu’ils se servent du réel pour créer des œuvres photographiques. Dans ces œuvres, nulle complaisance de l’anecdote, de l’effet, du sentiment ; nulle dispersion de la pensée ; constante économie de moyens ; constante astreinte à la même discipline ; constante fidélité au même objet. Depuis les grandes vues panoramiques qui caractérisaient ses premiers travaux, jusqu’aux approches récentes plus frontales de matières et de formes élémentaires des sols, des pierres, des végétaux, Ceccaroli a constamment approfondi la même exploration. Il n’est pas un adepte du rêve les yeux ouverts et ne recherche pas la " belle image ". Le besoin auquel il s’efforce de répondre n’est ni celui de la documentation, ni celui de l’émotion esthétique. Il ne vise aucune originalité pour elle-même. Il veut se réapproprier un monde dont il redoute d’être séparé. Il désir lui réappartenir. C’est ainsi qu’il contribue aux côtés des " aménageurs ", à recréer cette maîtrise des liens qui doivent nous unir à ce que nous nommons désormais " l’environnement" ; liens culturellement, physiquement, toujours plus menacé de rupture. Il faut souhaiter que sa quête se poursuive. Rechercher des formes satisfaisantes de notre relation à l’espace et à la nature est certes une exigence fondamentale que l’art s’est toujours efforcé de satisfaire. Mais sans doute jamais avec une nécessité plus forte qu’aujourd’hui. Les repères des valeurs " classiques " du paysage sont devenus caducs et n’ont pas été remplacés. Notre pouvoir d’appréhension de la nature s’en trouve affaibli d’autant. Les médiations de plus en plus industrialisées, le flot ininterrompu d’illustrations et de spectacles se substituent aux constructions et aux symboles qui permettaient d’établir avec le monde une relation ordonnée par un sens. Nous sommes, pour longtemps sans doute, dans une période de recherche. Des travaux tels que ceux présenté ici offrent, à travers leurs imperfections mêmes, une traduction exemplaire de l’utilité de cette recherche. Il faut en féliciter l’auteur autant que ceux qui en ont pris l’initiative et le risque. Bernard Latarjet Directeur Général de l’organisation "Marseille 2013" Ancien Président de la Grande Halle de la Villette. Ancien Directeur de la Mission Photographique de la DATAR. ( 1 ) cf. Jean Starobinski " La poésie entre deux mondes ". Préface aux poèmes d’Yves Bonnefoy. Gallimard, 1982.

Artistes

Horaires

MICHEL BARJOL son directeur, vous reçoit du mercredi au dimanche de 11h à 12h et de 16h à 19h

Adresse

Galerie Martagon 47 Grand’Rue 84340 Malaucène France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022