Focus sur... Pangramme

Temeraire par Quentin Schmerber (ESAD Amiens). Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.
Jérome Knebusch, enseignant en design graphique et typographie à l'École supérieure d'art de Metz a fait un appel à projet des créations typographiques des étudiants issus d'écoles du monde entier. Il nous présente le processus et l'exposition qui est présentée jusqu'au 20 mai dans la galerie de l'école.
Vous avez réalisé un appel à projet afin de rassembler des projets de création de caractères qui sont présentés dans l'exposition. Pouvez-vous nous parler des projets que vous avez reçus ?
Nous avons reçu plus de 190 projets de 26 pays. Tous types de projets étaient éligibles, des approches graphiques jusqu’aux caractères pour des situations complexes de lectures. Pour faciliter le travail du jury, nous avons créé sept groupes selon la nature des projets et cela à partir d'une présélection de 140 projets : projets de signalétique (8 projets), projets liés à l'écriture manuscrite (16), caractères de titrage (18), projets expérimentaux (21), caractères sur mesure (22), Revivals (25), familles de caractères pour du texte courant (25). Plusieurs choses peuvent être observées, par exemple le taux de sélection des caractères «de texte» est élevé : de très bons projets, bien élaborés, techniquement et conceptuellement, souvent en multiples styles, corps optiques ou systèmes d'écritures. Les projets de Revival étaient également nombreux et de bonne qualité, malgré, parfois des approches trop littérales. La plupart des caractères expérimentaux par contre n'étaient pas très surprenants, au final une petite quantité seulement a pu intégrer la sélection finale. L'archive complète de l'appel à candidatures est présente dans l'exposition. On peut y étudier les provenances, tendances, niveau des études, qualité des dessins, originalité de projets, etc.

Shelf par Szymon Sznajder (University of Arts, Poznań) et Bonde par Álvaro Franca (ESDI, Rio de Janeiro). Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.

Meroweg par Elvire Volk-Léonovitch (ANRT Nancy) et Walther par Sarah Kremer (ANRT Nancy). Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.

Sélection de livres sur le type design et la typographie publiés depuis 1900. Ici vitrine, 1950-1999. Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.
Un jury international a sélectionné une cinquantaine de créations de caractères réalisées dans des écoles. Quels ont été leurs critères de choix ?
Le jury a beaucoup échangé sur les projets, sur la base d'une note et d'une appréciation individuelle. Une moyenne a permis une première sélection. De nombreux critères sont entrés en compte, les notions et aspects qui contribuent à une qualité en design typographique, sans avoir eu besoin de les nommer. Il a été important pour nous d'avoir un jury non seulement professionnel, de différentes générations et venant de divers pays, mais aussi avec une expérience approfondie de l'enseignement, et ainsi des attentes qu'on l'on peut avoir vis-à-vis d'un projet étudiant. J'ai pu constater que le jury a apprécié souvent une certaine originalité, donc des projets avec des points de vues intéressants, plutôt que des classiques bien réalisés. En revanche, une critique récurrente a été faite pour la faiblesse des présentations, en termes de design graphique. Nous avons posé des questions au jury sur leurs impressions et demandé une appréciation très personnelle (le coup de cœur de chaque membre du jury). Ils peuvent être lus dans les entretiens - réalisés par les étudiants de Metz – qui sont publiés dans le catalogue de l'exposition. Une version numérique peut être téléchargée sur le site www.pangramme.org

Sélection de livres sur le type design et la typographie publiés depuis 1900. Ici vitrine, 1900-1949. Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.

Alpha Brush par Erwan Beauvir (ESAD Amiens). Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.

Didier par Axel Pelletanche Thévenart (Ecole Estienne Paris), Bosozoku par Thibault Baralon (ECAL Lausanne) et Grosse par Vivien Gorse (Axe Sud MID Typographie Toulouse). Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.

Bosozoku par Thibault Baralon (ECAL Lausanne). Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.

Catalogue, édition limitée. Vue d’exposition, Pangramme : learning type design, Ecole Supérieure d’Art de Lorraine, Metz.
Comment qualifier cette sélection finale au regard de l'ensemble des projets reçus ? Que disent ces projets de votre point de vue sur la création typographique ?
Question difficile, je ne sais pas s'y j'oserais une synthèse. On peut noter certaines tendances, qui ne sont pas nouvelles, comme des projets intégrants des systèmes d'écritures multiples, des dessins à contrastes inversés (horizontales marquées), un intérêt pour l'histoire de la typographie (Revivals), des familles avec des nombreux styles et corps optiques pour des situations complexes de lecture, ou, tel le remarque Gerard Unger, un mélange de formes gothiques et humanistiques, ce qui m'intéresse à titre personnel («What surprised me was a growing interest in gothicky designs, in hybrid designs combining the Latin letterforms with gothic shapes», G. Unger, cf. entretien dans le catalogue). Mais les projets sont nombreux, à chaque lecture on peut y observer autre chose. A ce titre, nous avons souhaité «faire parler» les projets par un contexte d'application, à l'échelle de mots et de textes entiers: ils ont été présentés par un texte descriptif composé avec le caractère respectif (et non pas des alphabets isolés comme on a souvent l'habitude de le voir). Chaque projet «parle» avec une voix distincte. Ensemble, ils témoignent des formes multiples qu'un texte peut adopter. Ils témoignent aussi d'une pratique engagée du dessin de caractères dans de nombreux pays, et peut-être, aussi d'un manque de visibilité de projets non publiés. Au-delà de la finalité et de la qualité de chaque projet, je les vois aussi comme des témoins «de ce qui a été appris». Je suppose qu'après l'intensité d'un tel projet, mené sur un temps long, on ne voit plus la typographie comme avant.
Entretien réalisé par Véronique Marrier, cheffe du service design graphique au Centre national des arts plastiques.