Focus sur... l'exposition Serving Library Collection à Ravisius Textor

Crédit photo : Iris Rachez, Marie-Ange Guilleminot, Arthur Chaput, Marie Gate.au

Thierry Chancogne est enseignant, auteur et cofondateur de Ravisius Textor avec Florence Aknin et Christophe Lemaitre, lieu de diffusion, de production et de création situé à Nevers. Ils présentent pour la première fois en France la « Serving Library Collection » jusqu’au 9 avril.

Vous exposez à Ravisius Textor, la « Serving Library
Collection » de Stuart Bertolotti-Bailey, Francesca Bertolotti-Bailey, Vincenzo Latronico et David Reinfurt. Pouvez-vous nous présenter ce projet ?

Il s’agit d’une collection d’« originaux relatifs » d’iconographies parues dans les pages de l’aventure éditoriale du journal-magazine-revue Dot Dot Dot (2000-10) — The Serving Library (2011-), de son éditeur permanent Stuart Bailey et de ses différents collaborateurs : aujourd’hui sa compagne Francesca Bertolotti-Bailey, David Reinfurt – l’autre moitié de Dexter Sinister –, sans oublier Vincenzo Latronico. Quand je dis « originaux relatifs », c’est pour souligner l’esprit réflexif de ces périodiques qui, partant du territoire assez circonscrit du graphisme, de la typographie, du design graphique, s’aventurent dans les marges de l’art, de la science, de la littérature, avec un intérêt prononcé pour la question du langage, de l’écriture. On peut peut-être d’ailleurs souligner ici une relative proximité d’esprit avec ce que nous faisons, bien sûr beaucoup plus modestement, avec la revue en ligne Tombolo et la maison d’édition associative Tombolo Presses. La petite centaine de pièces de la version actuelle de la collection en permanent développement regroupe des plaques minéralogiques, des planches découpées, des peintures et des aquarelles… mais le gros du corpus est constitué de matières imprimées, de tirages, de copies… d’œuvres visuelles, graphiques, de textes et d’images à l’heure de leur « reproductibilité technique ». On peut y rencontrer Muriel Cooper, Otto Neurath, Karel Martens, Harry Beck, Robert Rauschenberg, Richard Hamilton, M/M Paris, Liam Gillick, Radim Peško, Paul Elliman et évidemment Dexter Sinister, entre autres…

Crédit photo : Iris Rachez, Marie-Ange Guilleminot, Arthur Chaput, Marie Gate.au
Crédit photo : Iris Rachez, Marie-Ange Guilleminot, Arthur Chaput, Marie Gate.au

En quoi consiste cette nouvelle version de l'exposition ?

La collection a été confiée depuis 2020 au collectif pluridisciplinaire d’artistes, de graphistes et d’architectes, 019 de Gand, notamment Valentijn Goethals et Tomas Lootens. Quand ces derniers nous ont proposé d’accueillir une des itinérances de l’exposition-conservation, nous étions absolument ravis et flattés. La collection venait d’Anvers, elle devrait retourner à Gand, à Berne, à Venise… C’est la première fois qu’elle est présentée en France et c’est à Nevers que ça se passe ! La scénographie extraordinaire a été conçue par 019 avec leur sens de la sculpture d’espace et de temps architecturaux. Nous avons dû vider notre espace atelier au premier étage du bâtiment qui accueille la librairie-galerie au rez-de-chaussée. L’ensemble des matières graphiques est réunie à touche-touche, comme un accrochage d’ancien régime, sur une grande cimaise industrielle qui relie les deux pièces de l’ancien appartement bourgeois du XIXe siècle qui accueille d’habitude notre atelier, notamment de risographie. C’est un peu la diagonale du plein dans la diagonale du vide. On accueille un public nombreux sur rendez-vous, des étudiants, des chercheurs, des individuels. On est très contents d’avoir en même temps que cette proposition internationale très prestigieuse une exposition avec des étudiants, au rez-de-chaussée : Fluxus Maladie, la restitution de la résidence d’It’s Our Playground – Camille Le Houezec & Jocelyn Villemont.

Crédit photo : Iris Rachez, Marie-Ange Guilleminot, Arthur Chaput, Marie Gate.au

En effet, votre démarche à Ravisius Textor intègre une dimension pédagogique forte. Tous vos projets se font en effet avec des étudiants. Comment ont-ils contribué ici ?

L’ensemble du projet « Serving Library Collection » prolonge celui de la revue Dot Dot Dot en accusant sa dimension pédagogique. Chaque installation de la collection donne lieu à des ateliers de réflexion et de production. Nous devions accueillir la collection en novembre 2020 en même temps qu’un atelier mené par ses éditeurs, Stuart, Francesca et Vincenzo avec les étudiants du Dna Design Graphique de l’Ensba Lyon et leur enseignant Alex Balgiu. La situation sanitaire n’a pas permis sa réalisation in situ. Mais nous avons tout fait pour que le séminaire se réalise via les réseaux. Au final ce projet a été un des fils rouge qui a assuré une certaine cohérence à la formation de bachelor aux beaux arts de Lyon très perturbée par l’épisode Covid en 2020-21. Nous essayons à Ravisius Textor d’alterner des expériences pédagogiques avec nos étudiants anciens et actuels, et des interventions externes. Ce sont par exemple de jeunes diplômés, Arthur Chaput et Lucas Lejeune qui ont réalisé la communication de l’actuelle exposition qui a commencé début janvier et se clôturera le 9 avril prochain. Une des « feuilles de salle » est par ailleurs la revue pédagogique Faire n° 31 dirigée et réalisée par nos anciens étudiants de Syndicat qui propose un entretien entre Stuart Bertolotti-Bailey et James Langdon autour de la collection.

Crédit photo : Iris Rachez, Marie-Ange Guilleminot, Arthur Chaput, Marie Gate.au

L’édition est également une composante importante dans la
« Serving Library Collection » c’est aussi le cas pour Ravisius Textor, comment s’incarne t-elle dans ce cas ?

L’atelier mené à distance par Stuart, Alex et les étudiants de Dna de l’époque, chacun reclus chez lui, a été une expérience de réflexion et de production graphique autant que de sociabilité et de soutien psychologique. Les étudiants ont été invités à produire quelque chose comme un bulletin, un texte accompagné de productions graphiques en articulant un des articles et un des objets de la collection. Toutes les deux semaines, une rencontre par visioconférence était organisée avec Stuart et Alex. La cohésion du groupe et du projet était aussi entretenue par des envois postaux de textes, de matières graphiques. Toutes les productions graphiques étaient relayées au fur et à mesure sur notre réseau Instagram et celui de la
« Serving Library Collection ». L’ensemble de ces matières textuelles originellement en anglais ou en français et traduites dans les deux langues sera proposé bientôt, accompagné des productions graphiques, des objets, des affiches, des animations dans un petit recueil, The Essayer, que nous éditerons prochainement avec Tombolo Presses et l’aide de L’Ensba Lyon. La mise en livre de ce livret plutôt économique est bien sûr assurée par les étudiants eux-mêmes.

Entretien réalisé par Véronique Marrier, cheffe du service design graphique au Centre national des arts plastiques.

Dernière mise à jour le 21 mars 2022