Séminaire en ligne: Désubjectiver les images- Queer théorie

En collaboration avec la Fémis
Conférence

À l'invitation de Nicole Brenez, Directrice du Département Analyse et Culture de la Fémis et de Frédéric Papon, Directeur des études de cette même école nationale supérieure, Pascale Cassagnau, Responsable de la collection audiovisuel, vidéo et nouveaux médias du Cnap, a conçu le séminaire hebdomadaire en temps de confinement Désubjectiver les images- Queer théorie (mars-mai 2020) qui présente en collaboration avec les artistes invités un certains nombre d'œuvres acquises ou soutenues par le Cnap.

Les films réalisés notamment par Marie Losier, Brice Dellsperger, Renate Lorenz et Pauline Boudry, Lili Reynaud-Dewar, Cecilia Bengolea, posent avec précision la question de la généalogie des images, de leur nature indicielle, entre apparition et disparition propre à tout medium instable, remettant en question d'une certaine manière l'ontologie de la représentation, à travers le travestissement et les ruses de l'image.

 

Episode 1

Pauline Boudry & Renate Lorenz, Telepathie Improvisation (2017), To Valerie Solanas and Marilyn Monroe, in Recognition of their Desparation (2013).

Dans son essai Art Queer – Une théorie freak, l’artiste et théoricienne Renate Lorenz étudie ce que fait la théorie queer à l’art contemporain à travers l’analyse de performances et d’oeuvres vidéo, tout en définissant finement les notions de queer, drag, freak. Cet espace théorique dessine un territoire d’expérimentations alternatives dont elle décrit la méthode d’élaboration critique : « Relier une pratique artistique à une épistémologie « freaky » permet un changement essentiel dans la compréhension du « drag » : les drag radical, transtemporel et abstrait consistent moins à travailler à travers des catégories préconçues qu’à expérimenter des alternatives. » (Renate Lorenz, Art Queer, Une théorie Freak, B42 Edition, 2018, p.63)

Visionner les films

En savoir plus

 

Episode 2

Marie Losier, Dreams Less Sweet, Un hommage à Genesis P-Orridge (1950-2020)

Depuis des années, Marie Losier développe une œuvre filmique singulière et exigeante à la croisée du cinéma expérimental et de la musique. Filmant artistes, musiciens, performeurs internationaux, elle invente au fur et à mesure de l'élaboration de ses films des formes rhapsodiques proches de l'essai. Elle contribue également à constituer des archives de la création au présent, en enregistrant des documents relatifs aux artistes rencontrés accompagnant son aventure filmique, dont Jonas Mekas, Tony Conrad, Genesis P-Orridge, Lady Jaye, Peaches, Felix Kubin.

Dream Less Sweet est ici la révélation d’une archive inédite et un hommage à Genesis P-Orridge disparu récemment, à travers la collection de portraits du musicien-performer, fondateur du groupe Throbbing Gristle et de Psychic TV.

Visionner le film

 

Épisode 3

Cecilia Bengolea, Les états dansés du corps politique.

Danseuse, performeuse, vidéaste, l’artiste franco-argentine Cecilia Bengolea fait du territoire de la danse et de la déconstruction des codes esthétiques dominants la matière même de son travail dansé.

Seule ou en collaboration avec un grand nombre d’interprètes danseurs, de chorégraphes, d’artistes, tels François Chaignaud avec lequel elle a fondé en 2008 la compagnie Vlovajob Pru, Cecilia Bengolea revisite des rituels de danses collectives, qu’elle se réapproprie selon des techniques de la danse classique à pointe, en retravaillant les musiques. La tradition jamaïcaine des Dancehall ou danses de bal est ainsi revisitée par des chants traditionnels de Georgie, en en exacerbant la charge politique. La traversée des musiques et des danses dans les communautés urbaines, créées et interprétées dans les grandes villes du monde et observées ici anthropologiquement, explore toutes les formes de parodie savantes contenues dans ces créations populaires et anonymes. . Le travail de Cecilia Bengolea documente ainsi l'extraordinaire démultiplication des groupes culturels musicaux revendiquant leurs propres appropriations de la culture reggae, chaque sous-groupe musical et dansé revendiquant à la fois ses propres codes et ses modes d’appropriation de codes dominants totalement détournés. Les planètes-mondes du Voguing, Twerk, Dancehall, House, Dubstep, Hip Hop, Bashment, sont explorées selon leurs écologies historiques et cultures respectives, avec une virtuosité dansante qui restitue la dynamique collective propre à ces univers musicaux et chorégraphiques, où l’un et le multiple sont en perpétuelle négociation (cf Dancehall Weather, collection du Cnap).

En inventant le principe d’un corps hybride, corps diaphane de cristal liquide avec Liquid, en proie aux métamorphoses d’un corps cyborg, Cecilia Bengolea s’invente un corps composite, acrobate, au devenir animal.

Visionner les films

 

Épisode 4 

Dans le laboratoire de Brice Dellsperger

« La plus grande partie de la production cinématographique exploite quelques codes qui sont mis en boucle. Je m’efforce de récupérer ce stock de clichés qui tourne sur lui-même. Je ne fais que poursuivre un processus mis en place par le cinéma lui-même. Le cinéma se rejoue lui-même dans un processus d'auto-recyclage incessant ». Brice Dellsperger décrit ainsi sa démarche, dont le motif de la désidentification représente le sujet fondamental.

Les remakes d’après Brian de Palma, David Lynch, Andrzej Żuławski, notamment, sont de véritables fictions au carré, par la répétition, la démultiplication des figures et des motifs. Dans Body Double X , créé d’après L’Important c’est d’aimer de Żuławski, l’artiste a déconstruit le film de référence plan par plan, pour venir recouvrir la bande-son laissée intacte par un nouveau film interprété par un seul acteur (Jean-Luc Verna, ou l’artiste lui-même) qui joue tous les personnages.

L’autre, l’identité, la représentation et ses miroirs, la narration, le travestissement, constituent quelques une des problématiques que mettent en perspective la série des Body Double de Brice Dellperger. L’artiste re-filme en vidéo, avec des acteurs travestis, des séquences célèbres de certains films choisis parmi des films de genre états-uniensCe procédé de dérive fictionnel est renforcé par l’usage de trucages rudimentaires qui, en démultipliant les figures, génèrent des jeux de rôles. Le corpus des films désigne ainsi une méthode de travail (recherche sur les référents, le recyclage généralisé, le travail sur la copie, sur la question du remake dans l'art) et la définition d'un cinéma performatif qui noue la performance et la notion de genre.

Visionner les films

 

Episode 5

Lili Reynaud-Dewar, Purple America

« Je n’écris bien que dans des états de soudaine irruption. Mes livres s’édifient par crises successives et le premier jet est toujours le fruit d’une émotion intense. Après je corrige, je reconstruis en cherchant une orchestration cohérente. Le métier de romancier, je ne l’ai pas choisi. C’est lui qui m’a choisi. Dès l’enfance, je lisais énormément, et j’inventais sans arrêt des histoires ; un jour je me suis dit qu’il fallait continuer, sur le papier. Pour moi, ce qu’il y a de plus beau dans l’existence, ce n’est  pas de vivre telle ou telle expérience, mais de la raconter. » Ainsi l’écrivain américain Rick Moody définit-il l’économie même de son art narratif. Etrange horloge du désastre, Démonologie, A la recherche du voile noir, ou Purple America, sont des récits-mosaïques qui cartographient d’une manière primesautière la société américaine. Ses romans ou ses nouvelles constituent des sortes d’épopées burlesques aux combinaisons narratives aléatoires, de situations décalées, de rituels énigmatiques, de portraits multipliés, mettant en scène des figures étranges.

L’œuvre de l’artiste plasticienne Reynaud-Dewar constitue également un puzzle, multipliant les combinatoires de morceaux choisis. Performeuse, vidéaste, sculpteuse, chanteuse, Reynaud-Dewar pratique la danse classique de 6 à 17 ans. Elle étudie le Droit et la Théorie de l’État à l’Université Panthéon-Sorbonne, puis l’art à la Glasgow School of ArtEn 2009, elle fonde avec Valérie Chartrain et Dorothée Dupuis la revue Pétunia. En 2015, à la Biennale de Venise, elle présente un volet de son opéra My Epidemic (Small Modest Bad Blood) consacré à l’épidémie du sida. Ré-endossant la charge politique du corps nu de Joséphine Baker, Reynaud-Dewar réalise des performances dansées nues – dont par exemple Structures de pouvoir, rituels et sexualité chez les sténodactylo européennes – dans des installations, qui ne sont filmées que dans les entre-deux des expositions, en l’absence du public. Ses œuvres peuvent être considérées comme des tableaux vivants conçus à l’intérieur d’une matrice enveloppante : l’installation-performance.

Les œuvres de Lili Renaud-Dewar évoquent les luttes sociales, raciales, féministes et la contre-culture américaine, sous la forme généralisée d’allers et retours.  

Visionner les films

 

Episode 6

Claudia Triozzi, medium performance

Les œuvres de Claudia Triozzi consistent en des performances qui se situent entre la chorégraphie et le champ de l’art contemporain, pour un travail de déplacements perpétuels, de décentrement de la notion de “champ disciplinaire”, l’exploration d’un ailleurs de la danse, inscrivant la présence du corps autrement.
Par exemple, dans l’action-vidéo intitulée, Five years (2000, 6’), à la manière des performances dans l’espace public de Gillian Wearing ou de Jonathan Monk, Claudia Triozzi se poste à l’une des portes du périphérique parisien pour crier à haute voix les marques des voitures durant 30 minutes.

Claudia Triozzi présente ainsi son travail : « elle commence ses études de danse classique et contemporaine en Italie et s’installe à Paris en 1985. Parallèlement à son travail d’interprète (avec Odile Duboc, Georges Appaix, François Verret, Alain Buffard, Xavier Leroy et Xavier Boussiron), elle crée ses propres pièces dans lesquelles elle développe aussi bien la direction de la mise en scène que l’interprétation. Son travail de recherche et de réflexion se fonde sur une transmission où l’expérience du faire, du partage et l’engagement à l’autre fait preuve de pensée ouvrant des espaces de subjectivité et de remise en œuvre du temps
Elle produit des spectacles iconoclastes, des tableaux vivants, dont la danse ne sort jamais indemne (entre autres Park, 1998 ; Dolled Up, 2000 ; The Family Tree, 2002 ; Stand, 2004 ; Opera’s Shadows, 2005 ; Up To Date, 2007 ; La prime 2008, 2008 ; Ni vu ni connu, 2010) car il s’agit toujours pour Claudia Triozzi de mettre à l’épreuve les présupposés du spectacle chorégraphique. L’espace de représentation, les modes d’interprétation propres au danseur et les notions mêmes de spectacle font l’objet d’une perpétuelle remise en question. De pièce en pièce, d’espaces d’exposition en scène de théâtre, Claudia Triozzi repousse les limites du corps et les espaces de visibilité du danseur. »

Visionner les films

Découvrir ses autres performances

En collaboration avec la Fémis

Dernière mise à jour le 24 avril 2020