Podcast Soutien sur écoute et PhotoSaintGermain

Le Centre national des arts plastiques présente, à l’occasion du festival PhotoSaintGermain, quatre nouveaux épisodes de sa série de podcasts Soutien sur écoute, réalisés par la journaliste Émilie Chaudet en collaboration avec le Cnap.

Ces épisodes d’une dizaine de minutes donnent la parole à Philippe Calia, Alexandra Dautel, Victoire Thierrée et Elliott Verdier, artistes de l’exposition collective Ailleurs est imminent, présentée à la Galerie du Crous du 6 au 22 novembre 2025.

Ils y évoquent leurs démarches et leurs recherches, partageant les réflexions qui traversent la création de leurs œuvres. Ensemble, leurs voix composent un récit sensible autour de la ville et de la mémoire, thèmes au cœur de l’exposition et de leurs projets soutenus par le Cnap.

Épisode  #17 : Alexandra Dautel, Good Night, Malaysia 370 
Soutien du Cnap à la photographie documentaire contemporaine en 2023

« Le 8 mars 2014, le vol MH370 de Malaysia Airlines, qui se rendait de Kuala Lumpur à Pékin a disparu dans la nuit. Aucune épave. Aucun corps. Aucune réponse. Dix ans plus tard, en mars 2024, l’affaire n’étant toujours pas résolue, j’ai entrepris mon investigation, à la recherche d’indices, et dans l’espoir de faire un deuil. Le deuil de mon amie disparue. En quête de vérité, j’ai refait le voyage qui était prévu, avec la même compagnie et le jour des dix ans de la disparition. J’ai découvert un huis clos où s’entrechoquent des vérités multiples, chacune marquée par des intérêts géopolitiques, économiques, scientifiques et émotionnels. Face à l’impossibilité de trouver la vérité, c’est ainsi qu’intervient la photographie, comme élément d’enquête formant une mémoire. Par un langage visuel mêlant différentes sources — images personnelles, vidéosurveillance, archives, documents, interviews aux avis divergents ; Good Night, Malaysia 370 devient à la fois enquête et élégie — un poème visuel à part entière. Là où il ne reste rien, les images peuvent-elles nous aider à faire notre deuil ? Peuvent-elles résister à l’oubli ? »

Épisode #18 : Elliott Verdier, Tomorrow's gone 
Soutien du Cnap à la photographie documentaire contemporaine en 2023

Au milieu du détroit de Bering, Little Diomede surgit comme un creuset de rêves glacés et de tensions invisibles, dont l’apparent silence éclipse le grondement bien réel d’enjeux contemporains. Dans cette nature vierge au premier abord, l’homme s’est escrimé à marquer sa présence. Il y a tracé une frontière politique qui sépare deux empires, les États-Unis et la Russie. Car face à Little Diomede l’américaine, se trouve Big Diomede, sa grande sœur russe, un « autre » silencieux, que l’on ne peut ignorer tant il est à portée de main. Il y a aussi tracé une ligne de date, ainsi le jour n’est pas le même d’un côté ou de l’autre de cette démarcation. Pourtant, face à ce décor qui semble figé et immuable, la réalité du temps et de l’espace disparaît pour laisser place aux chimères. Pour Elliott Verdier, le désir viscéral de s’aventurer au plus loin obéit à cette quête, jusqu’à se confronter à la lisière du monde physique. Les images de Tomorrow‘s gone touchent à nos limites. Sous le calme illusoire, on sent poindre la violence mortifère des effets du réchauffement climatique, des conflits armés, de la course effrénée du capitalisme qui dévore les langues et les civilisations jusqu’à l’os. Impossible dans ces conditions de tourner le dos aux mystères qui accompagnent la recherche de notre propre place, à la mélancolie de notre finitude.

Épisode #19 : Philippe Calia, Ville parle
Soutien du Cnap à la photographie documentaire contemporaine en 2023

Heptanesia est un projet photographique au long cours sur la ville indienne de Bombay / Mumbai, construit autour de l’idée et du geste du déplacement. Suivant une démarche proche de la psychogéographie, ce travail scrute la charge poétique et le potentiel surréaliste de la ville, en jouant sur les résonances entre espace urbain, expérience subjective et récits historiques. Prenant pour point de départ la rue — depuis laquelle sont documentés scènes et motifs du quotidien — je travaille ensuite cette matière à l’aune des mythes qui façonnent Bombay, ainsi qu’à travers mes propres projections mentales. J’en conçois notamment des “rêves”, ou mises en scène d’objets ordinaires, dans des bâtiments eux-mêmes chargés d’histoire. À la fois pratique de la photographie et pratique de la ville, ce projet documentaire à teneur expérimentale vise autant à détourner ce réel qu’à en capter la grammaire — et, plus particulièrement, à dresser le portrait kaléidoscopique d’une métropole littorale et cosmopolite, à première vue tentaculaire et insaisissable.

Épisode #20 : Victoire Thierrée, Okinawa
Soutien du Cnap au projet artistique en 2022

Victoire Thierrée a découvert l’île d’Okinawa à travers le travail du photographe Shōmei Tōmatsu (1930-2012) lors de sa première visite au Japon, en 2012. Tōmatsu fut le premier à documenter la présence militaire américaine sur l’île, un travail qui aboutit à la publication d’ « Okinawa, Okinawa, Okinawa » en 1969. En 2019, elle explore ce territoire où subsistent trente-deux bases militaires américaines et quelque dix mille GI. Elle réalise une série de photographies en noir et blanc au format 6 × 9 (vertical), en se concentrant sur les abords des bases, où la nature omniprésente semble opposer une forme de résistance à cette occupation. En 2023, lors de sa résidence à la Villa Albertine aux États-Unis, Victoire Thierrée a sélectionné quarante planches d'un herbier récolté sur l'île dès 1951, qu’elle a photographiées en noir et blanc à la Smithsonian Institution, à Washington.