Abram Krol (1919-2001)

Par Pierre-Yves Corbel
Parade, gravure de Abram Krol

Abram Krol, Parade, 1957, Burin et aquatinte en couleurs (Achat à l'artiste en 1959, Inv. : FNAC 26807)

Abram Krol, Equinoxe

Abram Krol, Equinoxe (FNAC 28143). Burin et aquatinte en couleurs, sur papier Richard de Bas 65,5 cm x 51 cm.

Bison, gravure de Abram Krol

Abram Krol, Bison, Burin et aquatinte en couleurs, s.d. (Achat à l'artiste en 1959, Inv. : FNAC 26805)

Tristan et Iseult, gravure de Abram Krol

Abram Krol, Tristan et Iseult, Burin et aquatinte en couleurs, s.d. (Achat à l'artiste en 1959, Inv. : FNAC 26808)

Faux départ

A priori rien ne prédestinait Abram (ou Abraham) Krol (1919-2001) à une quelconque carrière artistique. Né en 1919 à Pabianice, près de Lodz, en Pologne, Krol arrive en France en 1938 pour faire des études à l’Institut Technique de Normandie (Université de Caen). Dans sa Pologne natale, il a passé une jeunesse insouciante, au sein d’une famille juive de tradition hassidique, auprès d’un père grand lecteur du Talmud. Lorsqu’il arrive en France, Krol suit la voie tracée par ses parents qui veulent en faire un ingénieur civil. « Ces études, au vrai, étaient surtout un prétexte à évasion. Ma famille me poussait à embrasser une carrière sérieuse… » dira-t-il plus tard.
Mais le destin allait rapidement le dévier de cette voie toute tracée. Première rupture en 1940 au moment de la déclaration de la guerre : Krol quitte la Normandie pour s’engager dans la Légion Étrangère. Démobilisé après l’armistice, il se retrouve à Avignon en Zone Libre, sans le sous, loin de toute famille, et cherche un travail pour subsister. Il devient manœuvre dans un garage, affecté au nettoyage des gazogènes, emploi particulièrement pénible : « Je travaillais dans la saleté, et la chaleur méridionale n’arrangeait rien ».

La conversion à l'art

Le premier appel vers l’art ne viendra pas pour Krol d’une subite vocation, mais de son désir éperdu d’échapper aux garages crasseux, auquel sa condition forcée de manœuvre le condamne. Il cherche d’abord à se faire embaucher par un ébéniste, dont l’atelier lui semble un havre de paix, d’ordre et de propreté. L’ébéniste n’a pas besoin de ses services mais lui conseille de suivre les cours du dimanche de l’École des Beaux-Arts d’Avignon. D’un garage à l’autre, Krol s’accroche au cours de l’École et se prend de passion pour la sculpture et la peinture. Le destin intervient une seconde fois au moment de l’occupation de la Zone Libre : particulièrement exposé en raison de ses origines juives, Krol échappe de justesse à une rafle et parvient à rejoindre Paris sous une fausse identité. Il apprendra plus tard que ses parents restés en Pologne avaient été exterminés par les Nazis.
En 1944, Krol est à Paris, employé comme tourneur à la SNECMA. Il n’est pas encore vraiment converti à l’art, et envisage même de terminer ses études d’ingénieur civil. Mais il finit par prendre conscience que ce n’est décidemment pas sa voie : « quand j’eus le programme en main, je compris que la tentative serait vaine. Je ne savais plus de quoi il s’agissait »

Krol graveur 

En 1947, Krol fait la connaissance du graveur Joseph Hecht (1891-1951). Installé à Paris depuis les années 1920, Hecht est alors au terme de sa carrière, reconnu depuis longtemps comme l’un des grands maîtres du burin, spécialiste des sujets animaliers. Il est probable que leurs origines communes (juives polonaises) ont dû faciliter le dialogue. Krol apprend bien-sûr le burin auprès de Hecht, mais est également marqué par l’exigence morale et esthétique de son aîné : « C’est lui qui m’a appris la grandeur du je ne sais pas. Hecht était un aristocrate : on ne s’abaisse pas à simuler ».
Les premiers burins de Krol sont influencés par cet enseignement : rigueur et économie du trait, sobriété de la composition. Il restera toujours fidèle à cette leçon, mais saura aussi explorer de nouveaux procédés et inventer son propre univers graphique. À la fin des années 1950, il se met ainsi à créer de grandes gravures combinant les techniques du burin et de l’aquatinte en couleurs. Ces gravures s’éloignent résolument de l’austérité des burins classiques et s’apparentent dans leur rendu et leur forme à une nouvelle forme d’imagerie populaire. Elles ont été acquises par l’Etat en 1959 et en 1963, à l’initiative de l’Inspecteur des Beaux-Arts Raymond Cogniat qui en louait la « technique originale » et le « style hiératique ».

 

Pierre-Yves Corbel
Conservateur en chef du patrimoine
Mission de récolement

Pour en savoir plus

Krol. Préface de Pierre Descargues, poème de Lucien Becker. Paris : Société d’éditions Les 13 épis, 1946

Abram Krol 1919. Documentation réunie par Ivan Bettex. Genève : Editions Pierre Cailler, 1957 (Les Cahiers d’Art-Documents, n° 57)

Catalogue raisonné de l’œuvre gravé de Abram Krol, par Pierre Cailler. Genève : éditions Pierre Cailler, MCMLXIX (1969)

Dernière mise à jour le 2 mars 2021