3672, la Free Story à la Fnac Italie2

Exposition
Photographie
GOBELINS, l'école de l'image Paris 13
Les photos présentées ici sont issues de 3672 La Free Story, paru en juin 2002.

Complément d'information

3672, la Free Story

Les photos présentées ici sont issues de 3672 La Free Story, paru en juin 2002. En août de la même année. 15 000 raveurs se retrouvaient au col de Larches, à la frontière italienne, pour leur teknival d’été. Ce rassemblement a lancé un pied de nez à la loi qui depuis mai 2002 interdit les free-parties, raves illégales qui ont fleuri en France depuis presque dix ans. Malgré les gendarmeries en alerte aux quatre coins de France, la "teuf" a bien eu lieu. Mais les coeurs n’y étaient pas. Sons saisis, organisateurs poursuivis, les raveurs français savent désormais qu’ils n’ont qu’à bien se tenir devant l’intérêt tant médiatique que législatif qu’ils suscitent. L’avenir des free-parties semble très menacé ici, mais se déplace dans les pays de l’Est et connaît un grand retour en Grande-Bretagne. Wilfrid Estève a réalisé ses photos entre 1996 et 2001, soit à l’apogée du mouvement techno hexagonal.

Les free-parties ont démarré en France en 1993. Cette année-là, chassés par le Criminal Justice Act, loi anti-raves et anti-squats mise en place par John Major, quelques dizaines de travellers britanniques débarquent de l’autre côté de la Manche au volant de camions déglingués plus que customisés. Parmi eux, les Spiral Tribe, allumés londoniens qui vivent 24/24 dans le hardcore sur un seul slogan : "Make Some Fuckin’ Noise". Suite à l’annulation d’une fête payante, ils posent leur son dans une forêt près de Beauvais. Six cents raveurs bien informés débarquent et n’en croient ni leurs yeux, ni leurs oreilles : décibels en rafale, ambiance Mad Max et vapeurs de LSD, au fin fond de la Picardie. Un genre est né, le "teknival", festival techno, débauche de hardcore et de chimie sur plusieurs jours, sans prix d’entrée, sans autorisation.

La techno est alors très réprimée en France, diabolisée suivant le bon vieux refrain de "musique pour drogués". Les soirées payantes sont rarement autorisées, souvent annulées le jour même par les préfets frileux, ou bien les participants sont soumis à toutes sortes de contrôles décourageants, comme des fouilles au corps indécentes. Lassés, les raveurs se tournent vers une plus grande clandestinité. Les free-parties ne touchent alors qu’un public confidentiel et intéressent peu la maréchaussée. Qui aurait cru qu’une frange débraillée de la jeunesse se déchaînant dans des champs de boue sur des rythmes à la limite de l’audible allait susciter des débats au Parlement ? Les rassemblements prennent de l’ampleur dans la discrétion. Un samedi soir dans un entrepôt, le 1er mai dans une ancienne mine, un squat, une friche industrielle, une décharge abandonnée, la freetekno s’infiltre dans les ruines du système économique, débarque dans les cantons les plus reculés. Pour plusieurs dizaines de milliers de jeunes, les semaines se passent de week-end en week-end loin des circuits préétablis des boîtes à délit de faciès. Pour beaucoup, naît le rêve d’acheter un camion, des baffles, de suivre les traces des "Anglais" moitié artistes moitié voyous devenus mythiques. En 97, les sound-systems français se sont bien structurés, bandes de copains mordus de techno, qui travaillent et économisent pour se payer un matériel de sonorisation digne d’une salle de concerts. Nomades, Psychiatriks, Teknokrates, Facom Unit se distinguent du lot et deviennent les références de l’underground. Médecins du Monde lance ses premiers stands de prévention sur les rassemblements. Wilfrid Estève réalise alors son premier reportage photographique lors du Teknival des Cévennes : "Le froid, la boue, la puissance de la musique, la nuit qui n’en finissait jamais et quinze mille personnes en transe."



En 1999, au teknival de Caen, Wilfrid est en reportage, j’aide sur le stand de Médecins du Monde. Nous faisons connaissance et découvrons que nous partageons la même motivation à tracer l’esquisse du monde improbable et fragile qu’il nous est donné de rencontrer. Wilfrid part cinq semaines avec les Sound Conspiracy, un groupe de travellers franco-britannique qui a fait la route jusqu’à Inde, je collabore à la mission Rave de Médecins du Monde. Chacun de notre côté, nous découvrons de nouveaux aspects des free-parties, de la vie des travellers aux bad trips parfois induits par les stupéfiants. A l’idée de tenter de témoigner comme photographe et journaliste sur les free-parties, nous nous heurtons à la difficulté de traduire ce monde sensationnel par des textes et des images qui ne soient pas sensassionalistes.

Qu’est-ce qu’une free-party? Les idéologues parlent de zone autonome temporaire menée sur des principes d’autogestion, les députés décrient des zones de non-droit, mais c’est finalement peut-être plus prosaïque. C’est un lieu où se retrouver pour écouter de la musique électronique gratuitement. C’est un lieu où assurément beaucoup de monde expérimente la défonce, de l’alcool au cannabis en passant par les hallucinogènes les plus étranges. C’est un moment où découvrir l’inconfort des matins sans chauffage ni coussins, dans le brouillard ou sous la pluie, avec peut-être une petite fascination pour ce que les aïeux beatnik appelaient "la route". S’y croisent amitié, amour, violence, bulles de savon, cheval à bascule géant, chiens, rats et quelques poulets, des personnalités hors du commun, des fous, des bandes de potes, des truands et des mères de famille. 3672 La Free Story n’illustre pas une chronologie des free-parties, mais tente avant tout de transmettre leur ambiance unique, où la musique industrielle berçait parfois des pique-niques champêtres entre amis, où le rail de kétamine côtoyait les ours en guimauve du petit-déjeuner, où les jeunes filles cueillaient des tournesols dans le ronronnement des groupes électrogènes. Et surtout, ce livre rend hommage aux acteurs de ce monde menacé : musiciens, VJ's, cracheurs de feu, et bien sûr, teufeurs. Merci à eux.

Sarah de Haro

Le livre « 36 72, La Free Story » aux éditions Trouble Fête, accompagne l’exposition.



Biographies

Wilfrid Estève, 34 ans, est reporter-photographe pour une vingtaine de rédactions dont De l’air, Elle, Libération, Le Monde, Marie Claire et VSD. En 1996, il intègre le collectif de photographes « L ‘OEil Public ». Présente un vif intérêt pour les sujets touchant au quotidien. « Je recherche un aspect ludique dans la photographie, j’aime raconter des histoires sur la vie et sur les gens. Les sujets sensibles, les milieux marginaux m’attirent car ils nécessitent une approche psychologique, un effort d'adaptation. Préférant les reportages qui demandent un travail de réflexion, je réagis par rapport à mon époque et apporte un point de vue sur une situation ».

Sarah de Haro, née en 1973, est journaliste et auteur indépendante, spécialisée en questions de société. Son travail de journaliste la mène à aller enquêter plus particulièrement sur les minorités et les exclus, avec comme principal souci de donner un éclairage de l’intérieur, humaniste, à des questions trop souvent traitées sur le mode de la sensation. Elle a participé comme bénévole aux actions de la mission Rave de Médecins du Monde de 1999 à 2001. Elle travaille actuellement à un ouvrage sur le sida en Afrique, à paraître aux éditions Milan.

Autres artistes présentés

Wilfrid Estève

Horaires

10h-19h30

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

GOBELINS, l'école de l'image 73 boulevard Saint-Marcel 75013 Paris 13 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020