100 titres, Stéphane

Je choisis de m'adresser au spectateur "dans le but, tout relatif, de le surprendre ou de le renvoyer à un doute ultime. De le convaincre que nous vivons entre terre et ciel". Chaque début d'année, l'Atelier d'Estienne permet à un jeune plasticien ou à un collectif de réaliser sa première exposition personnelle d'envergure. Le travail de Stéphane, artiste rennais, tout en transparence et en énergie, se joue des codes et des maux de la société. Les cartes à pub sont métamorphosées en papillons, les pages publicitaires et les cartons d'invitation sont détournés. Le plexiglas et le jaune sont aussi la signature de l'artiste. Un univers dens où la lumière est parfois proche de notre obscurité. C’est en choisissant des matériaux tels que plexiglas, radiographie, polycarbonate creusé, feuille plastique thermoformée, déchet divers,... qu’il met en œuvre ses réflexions sur la lumière. Par la transparence des supports, invisibles et légers, l’artiste exalte la peinture sans la « matérialité » de la toile ou de la feuille. Une invitation à faire « respirer » la couleur. La peinture géométrique et abstraite lui permet de questionner le vide et la lumière, la densité et l’immatérialité, le plan et le volume,… Il s’inscrit ainsi dans les recherches intemporelles sur le monochrome qui déploie dans l’histoire de l’art d’immenses et paradoxales possibilités : couleurs, tailles, matières,... "Je me concentre uniquement sur le jaune, couleur qui possède des qualités matérielles, spirituelles et poétiques fortes." Ainsi, il explore cette couleur primaire, symbole de lumière mais aussi de connaissance. Le jaune est préféré dans le monde oriental, où il est synonyme de richesse extérieure et intérieure. Il est à la fois énergie, chaleur et mouvement. Couleur masculine, il véhicule aussi la jeunesse et la force, alors que dans notre société occidentale, il incarne le diable accompagné de son odeur de soufre, mais aussi la maladie ou la traîtrise. Un autre pan du travail artistique de Stéphane s’articule autour du détournement d’éléments du quotidien. Ses séries "Ors-dures" redonnent vie à des produits industriels recyclés. Sériel et multiple, l’objet, sublimé par la démarche artistique, devient unique. Ces ordures deviennent, paradoxalement, des objets de beauté, se changent en de « purs » objets de contemplation. Stéphane s’attache également aux tabous et comportements sociaux combattus ou marginaux, notamment avec sa série "Les papillons". En découpant délicatement des cartes postales gratuites, type cartes à pub ou en détournant des cartons d’invitation, il nous invite à lire autrement leurs messages. Ce détournement devient une manière sensible de nous interroger. La beauté naturelle de ses insectes attirent l’attention et insidieusement délivrent, avec ironie et provocation, le message initialement contenu dans le document papier. On peut y voir des drames humains, la fragilité et les instincts destructeurs de l’homme, tels l’alcoolisme, la sexualité exacerbée… La pesanteur et la gravité des sujets abordés sont contrariés, comme envolés. Entre beauté et angoisse, entre fascination et effroi, les œuvres de Stéphane nous surprennent et nous renvoient à nos doutes intimes.