Qui es tu lorsque personne ne te regarde ?

Exposition collective
Exposition
Arts plastiques
Maëlle Galerie Romainville

!Alexandre Bavard, NOOS #1, technique mixte, 2017

 L’anonymat n’est plus ce qu’il était. A l’ère moderne, disparaître était une stratégie sur laquelle planait souvent l’ombre du soupçon. Seuls les êtres lâches, criminels ou déviants, âmes troubles poussées par le besoin de cacher quelque crime, pouvaient éprouver le besoin d’échapper à la visibilité, alors perçue comme une marque de distinction. Pour les autres, artistes, écrivains ou rêveurs, rien de plus facile que de faire de l’anonymat ou du masque une stratégie d’apparition ; de se confectionner un personnage sur mesure qui permettrait de laisser prospérer le moi réel, pur et détaché des tourments du monde extérieur. Or avec le développement des médias visuels, la visibilité s’est démocratisée, au point qu’elle pèse aujourd’hui sur le sujet contemporain comme une obligation nouvelle : celle d’apparaître coûte que coûte. A visualité nouvelle, anonymat nouveau. Echapper à la visibilité, à l’attention involontaire de la surveillance généralisée mais aussi à l’impératif social de mise en scène de soi, ne signifie alors plus simplement se laisser glisser dans la fraîcheur de la nuit sans images.

Dés-apparaître est parfois aussi simple que de se dupliquer : chez Agata Kus, le reflet en miroir de l’ado désabusée vient semer un premier trouble ; tandis qu’Abel Techer lorgne déjà vers la fluidité identitaire, aux posters d’icônes diverses venant répondre les prothèses effectives apposées sur le corps de l’individu dépeint – en l’occurrence, un autoportrait. Saisis dans le dénuement de l’intime, les deux personnages dépeints semblent déjà s’échapper vers un ailleurs. Par le rêve certes, mais aussi par le spectre du manque d’un Autre constitutif. En jouant sur les codes de la téléréalité, Mélissa Airaudi met en scène la relation d’interdépendance qui la lie à sa mère, entre déterminisme héréditaire et désirs de subversions. Un déterminisme de l’apparaître qui assume également un versant social. Lardés d’épingles sur leur envers, les cols blancs de Floryan Varennes incarnent une critique cinglante de la bureaucratie néolibérale sans âme. Au vêtement-camisole de force, le chèche touareg détourné d’Alexandre Bavard vient apporter une échappatoire. S’inspirant de la figure du touareg, seule communauté qui masque l’homme et non la femme, l’artiste passé par le street-art imagine un camouflage d’apparat, incarné lors d’une performance par le danseur Hamed Tayaa.

Rendue caduque par la société de l’image, la distinction entre privé et public, apparaître fictionnel et vérité intime s’estompe. Reste alors à deviser des manières de se construire en pensant l’inclusion des cercles sans lesquels le Moi ne peut exister : le cercle familial, social, l’héritage historique ou culturel. D’où la profonde ambiguïté qui imprègne les œuvres de toute cette génération de jeunes artistes qui, tous réinventent des manières d’apparaître, où la véritable forme de résistance n’est pas tant l’anonymat que la multiplication des identités et des fictions de soi.

Ingrid Luquet-Gad

Autres artistes présentés

Mélissa Naomi Airaudi, Alexandre Bavard 

Horaires

mardi - samedi 14h00 - 19h00

Adresse

Maëlle Galerie KOMUNUMA 29 rue de la commune de Paris 93230 Romainville France

Comment s'y rendre

Métro : Belleville ( Ligne 11 - 2 ) Sortie : Boulevard de Belleville Bus : 96 - Couronnes

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022