NATIFS DE BADA Récit d'une émigration malienne

ANISSA MICHALON ET CLAIRE SOTON
Exposition
Photographie
Le Point du Jour Cherbourg

Bada, au Mali, est un village d'ethnie soninké appartenant au Gadiaga, territoire où l'émigration des hommes s'inscrit dans une histoire séculaire, celle du commerce saisonnier autrefois dirigé vers la boucle du Niger, le Sénégal et la Gambie. Proche de la frontière sénégalaise, situé sur la rive gauche du fleuve Sénégal et à trente kilomètres à l'ouest de la ville de Kayes, le village compte aujourd'hui huit cents habitants pour cinquante familles. Une trentaine d'hommes ont émigré en Île-de-France.
Les deux tiers d'entre eux résident au foyer de l'Association pour l'accueil et la formation des travailleurs migrants (AFTAM, aujourd'hui remplacée par l'association COALLIA), rue Rochebrune, à Montreuil en SeineàSaint-Denis où se concentre la plus importante communauté malienne vivant en France. Dans la chambre 77, le lit qu'occupait un père revient à son fils, qui le cède à son tour à un frère. Leur salaire est nécessaire à la survie du village.
En 2004, dans le cadre d'une commande collective, nous avons engagé un travail avec des résidents du foyer Rochebrune. Une séquence de diapositives présentée dans l'exposition « Projection d'un territoire », à la Maison populaire de Montreuil associait deux espaces (le foyer et le village) et deux communautés (les migrants et les villageois), à travers le récit autobiographique du personnage de Sékou Bathily. Plus que la figure de l'immigré résidant sur le territoire français ou que les questions de l'intégration, nous souhaitions interroger le processus migratoire et la présence des Maliens en France au-delà de l'héritage colonial, dans une actualité, celle de la mondialisation.
Étant donné la force et la permanence des liens multiples (familiaux et économiques) que les émigrés entretiennent avec leur village, nous avons souhaité nous rendre à Bada, au Mali, une première fois, en août 2005. Soutenues par l'ambassade de France au Mali, nous avons pu séjourner à nouveau à Bada, Kayes et Bamako, en mars-avril 2006, en janvier-février 2007, en juin et octobre 2009.
Lors de nos séjours, nous étions accueillies par la famille de Sékou Bathily. Au fil des retours, les liens se sont renforcés. D'une fois à l'autre, nous rapportions des épreuves de nos images. Dans cet échange, notre identité de photographes s'est progressivement composée au regard des membres de la famille. Petit à petit, nous avons pu étendre le terrain de nos prises de vue à d'autres groupes de personnes dans le village, en photographiant leurs activités.
La durée du travail nous a permis de documenter les changements dans la vie de nos amis et ceux de la structure du village. Bien qu'elle s'appuie sur des hiérarchies familiales et villageoises traditionnelles, la migration érode ces valeurs et transforme progressivement les rapports sociaux.
Aujourd'hui, pour la première fois, l'ensemble de ce travail prend forme dans une exposition. Les prises de vue ont été faites entre 2004 et 2009, mais nos liens avec les Bathily se sont maintenus jusqu'à aujourd'hui. Les images ne peuvent dire les récits de vies dont elles sont porteuses. Des entretiens se sont échelonnés dans le temps de l'enquête, répondant à notre désir de comprendre les motivations profondes de l'exil et ses répercussions. Il nous a semblé important qu'ils soient en partie reproduits dans le journal qui accompagne l'exposition pour informer les images et leur montage.
Anissa Michalon et Claire Soton


Anissa Michalon
Née en 1977. Vit à Bruxelles.
À l'occasion d'un projet du Zentrum Moderner Orient de Berlin associant chercheurs et artistes, Anissa Michalon a récemment entrepris, avec l'anthropologue Aïssatou Modj, la constitution d'une archive photographique sur le foyer Hautpoul à Paris. Ce projet a été présenté dans le cadre d'une exposition collective « In Search of Europe ? », présentée au Kunstraum Kreutzberg / Bethanien à Berlin fin 2013.
Dans le cadre d'un programme pluridisciplinaire de l'Institut français du Tchad, elle a travaillé en 2011-2012 sur la ville de N'Djaména, avec des photographes tchadiens et français. Un ouvrage, issu de ce travail, est en préparation.
Elle a retracé sa rencontre avec Idriss, un Malien qui a connu un parcours dramatique, dans la revue Écrire l'histoire (n°8, 2011). Ses photographies sont à l'origine d'un livre, Numéro d'écrou 362573, avec l'écrivain Arno Bertina (Le Bec en l'air, 2013).
Anissa Michalon est diplômée de l'École nationale supérieure de la photographie d'Arles et de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris.

Claire Soton
Née en 1976. Vit à Aubervilliers.
Claire Soton a effectué en 2013 une résidence artistique de trois mois au lycée agricole de Vendôme. En 2012, elle a réalisé un projet photographique en collaboration avec des habitants de deux villes du NordàPas-de-Calais, à l'invitation du Centre régional de la photographie NordàPas-de-Calais (CRP). Les photographies produites ont été présentées dans des lieux publics de ces villes. L'année précédente, elle avait déjà mené avec le CRP des ateliers associant des habitants du Valenciennois.
Diplômée de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, elle a contribué entre 2000 et 2004 au collectif Des territoires, issu du séminaire de l'historien d'art Jean-François Chevrier. C'est dans ce cadre qu'elle a commencé à travailler au foyer Rochebrune de Montreuil, puis au Mali, avec Anissa Michalon.
Depuis quatre ans, Claire Soton se consacre à la recherche chorégraphique, au clown et à l'improvisation.

 

Exposition du 23 mars au 8 juin 2014
Vernissage le samedi 22 mars à 18h
Rencontre avec Claire Soton et Anissa Michalon dimanche 23 mars à 15h

Présentation de l'exposition à destination des enseignants :
le lundi 31 mars à 18h30 et mercredi 2 avril à 14h30

Adresse

Le Point du Jour 107 avenue de Paris 50100 Cherbourg France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022