MATHIEU BRIAND

In Memorial of Albert Hofmann 1906 – 2008
Exposition
Arts plastiques

Cette exposition en hommage à Albert Hofmann, disparu en 2008, offre un voyage hallucinatoire dans lequel tous les sens sont mis à l’épreuve. En revendiquant l’activité artistique comme un cosa mentale par excellence, Mathieu Briand développe des parallèles possibles entre le fameux inventeur du LSD et les artistes comme Marcel Duchamp et Leonardo da Vinci. Quel est le point commun entre la technique du sfumato, le concept duchampien de l’inframince et la théorie physique de la supersymétrie unifiant matière, énergie et espace-temps ? D’après Mathieu Briand, tous ces concepts supposent, de manière différente, la présence de la force qui lie les éléments hétérogènes. Ainsi, l’artiste retrouve dans cet « entre-deux » un puissant espace mental, territoire exploré au cours de son projet. Témoignant l’état de la « conscience modifiée », les œuvres de Mathieu Briand nous confrontent avec une réalité en mouvement constant, dans laquelle les dimensions spatio-temporelles se déforment et nous immergent dans le flux des illusions estompées. Pour découvrir tout le potentiel de cette réalité métamorphosée, il nous faudra suivre le conseil de l’artiste : « seule la porte compte, et non les deux espaces qu'elle sépare ».

Complément d'information

Nosytanga, le 8 Novembre de l'année 2008

Cher Albert,

Je vous écris, maintenant que la réalité vous a rattrapé, que vous êtes parti. Il faut dire qu'elle aura attendu un moment. Mais n'êtes-vous pas simplement passé à travers l'une de ses nombreuses portes ?

Peut-être y aurez-vous d’ailleurs croisé mon amie Caroline? Elle avait voulu voler avec Superman, mais ce dernier lui lâcha la main. Elle est allée s'écraser sur le capot d'une voiture, elle n'y a pas réchappé. L'incroyable avec Superman, c'est que non seulement il ne l'a pas faite voler, mais il s'est lui-même crashé dans la réalité : une boucle s'est formée entre deux temps et deux espaces, transformant ces deux destins finis en une histoire infinie.

Je ne pouvais imaginer une seconde que les lèvres que j'avais embrassées la veille allaient s'entrouvrir pour laisser se glisser ce funeste destin. Je ne pouvais imaginer que ce baiser serait le dernier, que cette salive dissoudrait la dernière étoile.

Quoi de plus beau qu'un baiser d'amitié, qu'une tendre étreinte d'ados effrayés - car voilà ce que nous étions : effrayés. Toi, tu as sauté et nous, on est restés là. Et tu as changé à jamais mon destin. Les héros, ce soir-là, pour moi, sont morts avec toi. L'infinité de l'imagination est, potentiellement, autant source de plaisir réel que de douleur inutile. Voilà ce qui résume pour moi votre invention.

Je suis parti en campagne pour comprendre. Lutter et avancer avec votre substance, voilà toute la difficulté, toute la contradiction. C'est une lutte où nous sommes notre propre ennemi, où la solution se trouve en soi, dans la blessure de la balle que l'on s'inflige. J'y suis allé, seul à savoir ce qui me guidait. Je ne me suis pas économisé ni économisé mes troupes. On a tous payé, et vous savez combien l'addition est lourde. Et puis, comme toute lutte armée qui se respecte, le temps de la réflexion est arrivé et les armes ont été déposées, transformées.

Nous avons alors décidé de disséminer cette subversion dans la société, non par l’affrontement mais dans un accompagnement, dans une simulation. Nous ne pouvions faire tourner la terre à l'envers – la perception de cette dernière, peut-être. Par chance, des guides avaient laissé derrière eux quelques voies sur la paroi vertigineuse de la conscience.

Le sfumato, l'inframince, ou encore la supersymétrie, m'ont aidé à conceptualiser les contradictions apparentes de cet accident, et à comprendre que le mouvement, l'énergie lient l'ensemble. Ce qui importe n'est pas tant la différence entre deux choses mais l'espace mental qui s'ouvre dans cet entre-deux.

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Une ligne floue est une ligne qui bouge.

Et puis, comme eux, votre substance s'est détachée de sa fonction initiale pour s'incarner en une simple puissance évocatrice. La réalité a pu alors vibrer, se détériorer, et malheur à ceux qui n'y ont pas été préparés.

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Seule la porte compte, et non les deux espaces qu'elle sépare, car quand l'un est ouvert, l’autre est automatiquement fermé. Je reste là dans l'embrasure de la porte. Je ne bouge plus, je ne respire plus. Tout cela pour moi est terminé. Je suis là et je pense à toi, ma Caroline blottie au fond de mon cœur.

Prenez soin de mon amie. Au revoir et merci.

Mathieu Briand

Annexes

LSD
Le LSD25 agit sur les connexions entre les neurones (synapses) qui régulent l'information dans le système nerveux central et agit simultanément sur plusieurs neurotransmetteurs. Il se fixe sur les récepteurs de la sérotonine, d’où une sensibilité accrue aux couleurs, touchers et sons. Il perturbe le glutamate en l'activant, d’où les troubles et la vitesse de la pensée. Enfin, il stimule le circuit de la dopamine, d’où la sensation d'euphorie.
Le LSD induit un état modifié de conscience. Du fait de son caractère hallucinogène, les effets du LSD peuvent varier en fonction de nombreux facteurs, tels que les expériences passées, l'état d'esprit, la personnalité et l'environnement, au moment de la prise, ainsi que la puissance de la dose. Il peut être considéré comme enthéogène, du fait de la récurrence de récits d'expériences mystiques de la part d'usagers. Le LSD est un hallucinogène, au sens où il perturbe l'ensemble des cinq sens et n'engendre pas nécessairement des hallucinations visuelles mais plutôt des illusions : déformation des motifs géométriques en mouvement, couleurs plus lumineuses, trainées colorées derrière les objets en déplacement, mauvaise appréciation des distances etc. Il engendre donc des modifications sensorielles dans leur ensemble.

Sfumato
Le sfumato signifie « évanescent », avec une notion d'enfumé. Ce mot dérive de l'italien fumo, la fumée. C'est une technique de peinture à laquelle était étroitement associé Léonard de Vinci. Il la décrivit comme « sans lignes ni contours, à la façon de la fumée ou au-delà du plan focal ». C'est un effet vaporeux, obtenu par la superposition de plusieurs couches de peinture extrêmement délicates, qui donne au sujet des contours imprécis. Il est utilisé pour donner une impression de profondeur aux tableaux de la Renaissance. On parle aussi de “perspective atmosphérique”.
L'effet de profondeur est dû au fait que la vision des détails et des contrastes s'estompe avec la distance. D'une part, la diminution de la taille rend plus difficile la distinction des éléments (voir l'article pouvoir séparateur), d'autre part l'absorption de la lumière par l'atmosphère (poussières, brume) atténue les différences.

Rotoreliefs
Paris, 1935__.
Duchamp considérait ses rotoreliefs comme des jouets. Il s'agit de 12 motifs très graphiques à base de spirales, imprimés aux recto et verso de 6 disques de papier fort. Placés sur le plateau d'un phonographe ils donnent en tournant l'illusion de formes en 3D : boules, cônes, hélicoïdes...


Mathieu Briand (1972) a présenté ses œuvres au cours des expositions personnelles tells que : The Spiral AKA SYS*11 (Tate Modern, Londres, 2007), UBÏQ : A Mental Odyssey (exposition d’un an en 10 chapitres, Galerie Maisonneuve, Paris, 2007 - 2008), UBÏQ : A Mental Odyssey (DF2 Gallery, Los Angeles, 2007), Derrière le Monde Flottant (M.A.C, Lyon, 2004), Le Monde Flottant (Palais de Tokyo, Paris, 2003) ; ainsi que dans des expositions de groupe, comme : Sensorium: Embodied Experience (MIT List Visual Arts Center, Boston, 2008), Dual Realities (4th Seoul International Media Art Biennale, Seoul, 2006), Esquiador en el fondo de un poz (Jumex collection, Mexico City, 2006), La Force de l'Art, Entre les lignes, (Grand Palais, Paris, 2006), Singuliers (Guangdong Museum of Art, Chine, 2005), Reactivity (ICC, Tokyo, 2004), Our mutual friend, (Bloomberg Space, Londres, 2003). Sa dernière publication, UBÏQ : A Mental Odyssey (avec Daniel Foucard) a paru en septembre 2008 aux éditions Dis Voir.

Artistes

Horaires

mardi - samedi 13h - 19h
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022