Mas sol que sombra

Paz Corona
Exposition
Arts plastiques
Les filles du calvaire Paris 03

Pour sa troisième exposition à la galerie Les filles du calvaire, l’artiste Franco-Chilienne Paz Corona propose une série inédite de toiles brossées, des portraits et des corps aussi vibrants que la touche est franche. Avec ce nouveau corpus, riche de toiles et de dessins, elle continue ses recherches formelles sur le thème du portrait et de l’identité, creusant avec sérieux les possibilités qu’il offre.

 

L’artiste dresse ici des portraits inexacts et des corps fragmentaires, sans craindre le non finito, elle laisse au contraire s’épanouir les effets de l’inachevé. Sa peinture est d’abord une affaire de projections mentales et d’associations. Face à ses portraits, Corona se laisse guider par sa main pour peindre, puis par son propre flux de pensées, « incontrôlable » dit-elle. Devant ces regards, lointains ou focalisés, se trouve en effet le hors champs intime du peintre: la présence aérienne de Michel Ange, ou l’histoire même de la peinture avec Berthe Morisot en filigrane. En posant les bases du visage, l’acte de peindre décide ensuite de la direction que prendra le portrait, avec ses éventuel repentirs mais aussi les certitudes de la main.

 

La peintre a procédé comme l’esprit procède lui-même, par association d’idées, de souvenirs, de rêves et parfois de rejets. Dans une lumière fictive et mentale, la carnation des figures est taillée dans la peau de la toile, en nuancier de gris, de rouge et de bleu. Pour sonder l’identité des modèles, elle filtre la forme et le détail, s’émancipe du superflu et détache ses figures du fond par touches puissantes mais fines. En s’approchant, on constate avec surprise que le traitement est plus délicat que brusque, travaillé patiemment en glacis et par couches successives. Paz Corona applique la même méthode sur l’ensemble de ses œuvres mais de façon volontairement diverse.Qu’il s’agisse des grands portraits ou des corps épurés sur le lin brut de la toile, la main de l’artiste parle un même langage. En choisissant d’associer plusieurs manières de traiter le visage, Corona cherche le juste équilibre des formes. Elle ne marque pas son indécision mais fait preuve de discernement en nous donnant la liberté de voir et de comprendre son geste.

 

« Les esquisses ont communément un feu que le tableau n’a pas. C’est le moment de chaleur de l’artiste, la verve pure, sans aucun mélange de l’apprêt que la réflexion met à tout ; c’est l’âme du peintre qui se répand librement sur la toile. »[1]

 

Cet ensemble de dessins et de portraits, sont les fruits d’une recherche sur les différents « états de la peinture » et témoignent d’un processus artistique qui n’a rien de linéaire, tant sur la pensée du tableau que son protocole d’exécution. "Où est la frontière derrière laquelle un "moi" cesse d'être moi ?" s’interrogeait Kundera devant les portraits de Bacon. Si Paz Corona ne sacrifie pas à la distorsion radicale de ses figures, elle sème le doute sur leur véritable personnalité, brouille la lecture. L’expression des modèles, qu’ils soient réels ou imaginaires, est diffuse comme la pensée. Sans conteste, les intentions de l’artiste vont donc au-delà de la simple ressemblance, même lorsqu’il s’agit d’autoportraits. Dans la mesure où le « Je est un autre », Paz Corona redessine le rapport entre identité et altérité en jetant sur la toile un peu d’elle et des autres.

Sébastien Borderie

 


[1] Diderot, Critique du Salon de 1765.

Horaires

11h - 18h30

Adresse

Les filles du calvaire 17 rue des Filles du calvaire 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

17 rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris

21 rue Chapon, 75003 Paris

 

Tél. : +33 (0)1 42 74 47 05

paris@fillesducalvaire.com

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022