La sensibilité des ombres

Exposition de fin de résidence
Exposition
Arts plastiques
Abbaye de Léhon (Dinan)

 

 

 

Pauline ZENK

 

Les peintures de Pauline Zenk sont semblables à un souvenir oublié qui refait soudainement surface pour disparaitre aussitôt.  Il ne reste alors des images que des persistances rétiniennes gravées dans nos mémoires. 

 

On reconnaît un lieu, une personne ou une situation qui rythme nos existences, même si de mystérieuses zones blanches subsistent. Dans les peintures de Pauline Zenk, ce sentiment est évoqué par un point noir, les zones floues d’une image ou des yeux bandés.

 

Sensible aux lieux, aux personnes et aux traditions, Pauline fait resurgir des histoires et des images profondément enracinées dans la mémoire collective. Elle est inspirée par des photographies, medium permettant de figer un instant et qui sombrera ensuite dans l’oubli. Mais l’appareil capture une scène sans pour autant saisir la pleine signification du moment. Pauline réinterprète ces instants éphémères, ces moments gelés dans le temps par la photographie à sa façon et leur donne un nouvel écho, éternel.

 

Les peintures elles-mêmes – d’où émane une grande tranquillité – semblent libérées de toute impermanence et sont intemporelles, comme ces journées où un soleil aveuglant ralentit tout mouvement.

 

Au début de sa carrière, l’artiste a travaillé avec des imaginaires opposés, mêlant des photographies de sa propre famille, de son enfance, avec des images de personnes anonymes trouvées sur les réseaux sociaux. Durant ces dernières années, les voyages et les résidences l’ont conduite en Italie, au Brésil, en Colombie et maintenant en Bretagne – où elle a poursuivi sa collecte d’histoires et de photographies.  Les cultures, les lieux et les personnes ne sont pas seulement mis en miroir par la réinterprétation de l’artiste, ils se reflètent également dans le choix de sa palette de couleurs : ce gris chaud des pierres de granit, omniprésent, domine les teintes de sa série de peintures sur la Bretagne.

 

Dr Katharina Knacker, historienne d’art

 

 

 

Guillaume COUTANCES

 

Ce n’est pas une main. Elle en a toutes les qualités apparentes, elle possède cinq doigts, elle a des ongles sur lesquels on devine des lunules et même les stries de flexion de muscles englobant les métacarpes, mais ce n’est pas une main. On le devine par une large ouverture, de la taille d’un empan, qui se trace sur le dessus de la paume. Cette béance de la chair nous permet de comprendre qu’il n’y a ni os, ni veine, ni sang : juste un enrobage écorché en un point précis. Ce que nous regardons ici : c’est un gant, pas une main, en fait, plutôt un gant à l’apparence d’une main.

Quelques indices auraient pu nous l’apprendre : la présence de ce cadre dessiné à même la surface et qui prend l’allure d’un écran. Il y a aussi les regards de ces personnages aux crânes mous qui semblent figés dans une seule posture et ces effets de textures plaqués sur des feuilles de latex couleur chair. Tout ici n’est que revêtement, couverture protectrice pour des os électroniques, fragiles et précieux. Une simple façade à enfiler sur des robots géminoïdes imaginés par l’inventeur japonais Hiroshi Ishiguro. Des « robots », un peu éloignés de la définition initiale de Karel Capek en 1920, lorsqu’il avait imaginé dans une pièce de théâtre R.U.R un robot : travailleur besogneux au service de l’homme.

Ceux que nous dessine Guillaume Coutances sont les copies d’employés du bureau d’Ishiguro, qui leur donnent leurs traits, leurs mimiques, leurs logiques. Des copies qui en se dédoublant trahissent dans leur matière même la présence d’un original préexistant. Guillaume Coutances, qui travaille à l’aide du dessin et de la peinture sur les questions de séries, s’est intéressé pour ce travail à la trahison de sa main et de sa précision, en regard de l’outillage mécanique qu’il tend à présenter. Choisissant son sujet au sein d’un domaine d’anticipation, proche de la science-fiction, il nous présente le fruit de sa résidence au Plessix-Madeuc. Un ensemble de dessins à mi-chemin entre anatomie et portrait qui requestionnent notre rapport au visage et à sa standardisation concrète dans l’usage d’un futur cybernétique. Il explore cette « vallée dérangeante », théorisée dans les années 70 par le roboticien Masahiro Mori. Ce dernier imaginait un passage obligatoire par une phase d’adaptation du regard humain pour mieux accepter les qualités et défauts physiques des androïdes de demain. En choisissant de travailler à partir du dessin et de la question de la sérialité, Guillaume Coutances nous propose un compte-rendu d’une expédition dans l’univers aussi dérangeant que fascinant d’un monde qui s’approche à grands pas.

 

Robin Garnier-Wenisch

Tarifs :

Gratuit

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Pauline Zenk

Guillaume Coutances

Horaires

Vernissage vendredi 21 mai à 19h00 Exposition du 22 au 29 mai, de 15h00 à 19h00

Adresse

Abbaye de Léhon (Dinan) Rue de l'Abbaye France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022