Joachim Biehler

© Sébastien Grisey

Biographie

Né en 1981 à Strasbourg.

Vit et travaille à Paris.

 

Avec ses séries d’œuvres sur les codes de l’art et les représentations sociales qui en découlent — les représentations particulières qui deviennent des poncifs, mais aussi les figures d’artistes que l’on a envie d’imiter — Joachim Biehler remet ces normes en cause avec humour et dérision, mais aussi une réelle efficacité.

Dès ses débuts son travail aborde ces questions avec des parodies de tableaux connus de tous, que ce soient des thèmes picturaux traditionnels tels que les Annonciations ou des tableaux singuliers souvent reproduits.
Parmi une série d’images qu’il projette en diaporama, il a par exemple réalisé en 2009 une Pietà en collaboration avec un artiste plus âgé incarnant pour lui un modèle. Dans une mise en scène photographique rendue évidente par la présence de spots professionnels et d’un rideau noir, comme dans un studio, on y voit Joachim Biehler se substituer à l’enfant Jésus dans les bras d’un homme remplaçant la mère. Tandis que les attitudes et positions des corps restent semblables à celles qu’on observe dans les Piétà classiques, le changement de personnages induit un changement dans le lien affectif qui les unit. Du cliché de l’amour maternel, on passe à un autre type d’amour, entre hommes, entre un jeune artiste et l’un de ses paires. Drôle et troublante, cette Piétà renverse une relation convenue pour offrir une représentation plus spécifique reflétant la diversité des expériences vécues. Dans la même série, Joachim Biehler a réalisé une Annonciation, en 2010, en collaboration avec Jean-Luc Verna. Proche des photographies que Verna réalise lui-même en se mettant en scène3 cette image est plus parodique que la précédente, affirmant, par des gestes exagérés, une théâtralité qui souligne le comique de la situation en regard du sujet choisi. Car autant l’amour est universel et peut être incarné par une infinité de personnages, autant l’Annonciation est une action en principe exclusivement réservée aux anges. Le jeu entre les deux hommes suggère avec dérision que non. Joachim Biehler travaille aussi à partir de tableaux particuliers, comme en 2013 lorsqu’il reprend, en compagnie de Pascal Lièvre, le célèbre Portrait présumé de Gabrielle d’Estrées et de sa sœur la duchesse de Villars (conservé au Louvre) tant de fois reproduit pour illustrer les manuels d’histoire et d’histoire de l’art. Ici, les deux complices imitent exactement la pose deux personnages du tableau médiéval — l’une des deux sœurs pince le sein de l’autre — et renchérissent sur l’énigme de ce geste en le déplaçant d’une baignoire féminine à une baignoire masculine. Entre la performance et l’œuvre photographique, ces mises en scène déjouent les poncifs mis en place au fil de l’histoire de l’art en introduisant des variations empruntées à l’esprit gay.

Parallèlement à ces ré-interprétations de thèmes et de tableaux célèbres, d’autres œuvres de Joachim Biehler ont recours au travestissement, soit en l’appliquant pour se transformer en d’autres artistes, soit en soulignant son utilisation chez des artistes plus anciens. Par exemple, dans une série intitulée le Like project, 2012-2013, il mêle son portrait à celui d’artistes qui sont pour lui des références, à commencer par Cindy Sherman. A cette aînée américaine, il emprunte son goût pour un travestissement produisant de l’étrangeté — travestissement réel chez Sherman et travestissement numérique chez Biehler. Ainsi le photomontage Like Cindy, montre le visage de Joachim Biehler à la place de celui de Cindy Sherman au sein d’une photographie des années 2000; dans un autre photomontage, Like Gilbert & like George, il se glisse dans un costume anglais ; dans un autre encore, il devient Jeff Koons. Passant d’une époque à une autre, d’une style à un autre, mêlant indifféremment son portrait à celui d’artistes hommes ou femmes, Joachim Biehler pose la question de l’identification à des modèles, tout en s’amusant.

Dans l’un de ces photomontages, ses traits se substituent à ceux d’Andy Warhol, Like Andy, artiste central dans son travail récent. A travers le thème du travestissement, Joachim Biehler attire l’attention sur un riche aspect de l’œuvre de Warhol. Avec le photomontage Andy Kiss me (Art fiction), de 2014, qui se rapproche d’une autre série, Kiss the artist, dans lequel il se photographie embrassant des artistes connus, il manifeste son attachement au pape du pop mais pour d’autres raisons: Warhol est aussi l’artiste qui très tôt a brouillé les genres en incarnant une figure androgyne. Avec la performance intitulée 10 Andys qui a eu lieu au Centre Pompidou Metz durant l’exposition Warhol underground en 2015, faisant écho à la grande sérigraphie et peinture Ten Lizes, de 1960, il multiplie le peintre américain comme celui-ci avait auparavant multiplié la star de cinéma qu’il adorait, en travestissant dix personnes déambulant dans le Musée. Multiplication, travestissement, changement de genre, l’hommage à Warhol devient ici une attaque contre les identités assignées. Mais surtout, la série de photomontages Extravaganza (After Andy in Drag) de 2016 où Joachim Biehler se transforme en Warhol qui s’était lui-même photographié en travesti, fait redécouvrir de manière touchante cette exploration de l’artiste pop américain aux marges de la société de son époque. Il faut rappeler que le thème de la drag queen, s’il n’est pas le plus connu dans l’œuvre de Warhol, n’en est pas moins signifiant : en 1975, il avait par exemple exposé en Italie une série de portrait de travestis rassemblés, dont l’un des commentateurs notoires avait été Pier Paolo Pasolini.

 Légèreté, humour, dérision, complicités, fantaisie même, caractérisent le travail de Joachim Biehler, qui s’attache à des questions néanmoins centrales. Car, en tant qu’elle est sous-jacente aux représentations communes, l’histoire de l’art a contribué à imposer des modèles, nés dans le passé et qui continuent de perdurer. Il est temps que l’art déjoue les modèles qu’il a imposé pour en suggérer d’autres, plus libres et plus ouverts.

 

Vanessa Morisset - Point contemporain, 2018

 

 

Expositions (sélection)

2020
- Jeune Création - 70ème édition, Galerie Thaddaeus Ropac (à venir)
- Le pouvoir se charge de vous - Galerie Jeune Création - Romainville

2019
- Dada es Sein - Palais Abbatial de Saint Hubert - Belgique

 


2018
- La Petite Collection Galerie Bertrand Grimont, Paris 
- Biennale de l’Image Tangible - exposition phare, Paris 20ème
- I am what I am - Ici Gallery - Paris cur. Julie Crenn
- Rikiki Galerie Satellite , Paris cur. Joel Hubaut

2017
- Organ_icon - Bureau d’art et de Recherche, Roubaix
- Florale, Satellite Brindeau, Le Havre

2016   
- Portrait de l’artiste en alter, Frac Haute Normandie cur. Véronique Souben
- I’ll be Your Mirror -  Centre d’art contemporain Faux Mouvement - Hors les murs

 

2015  
- Voyeur ? Voyeur ! PINEA - Rota (Cadix), Espagne                                                                                                                                                                             - Warhol Underground, Centre Pompidou Metz cur. Emma Lavigne
- Mini Factory / Espace jeune public - Centre Pompidou Metz                                                                                                                                               

- Salon de Montrouge - 6O / oeuvre collective - Les Soixante ans du Salon de Montrouge Le Beffroi - Montrouge cur. Stéphane Corréard

2014   
- MIAM, Satellite Brindeau, Le Havre                                                                                                                                                                                                                     
 
2013   
- Nuit blanche, Metz -  Art Glasses Like ORLAN # 1
- HOMOPHOBIE, Galerie Octave Cowbell, Metz

2012   
- Salon de Montrouge, 57ème édition, Le Beffroi - Montrouge / cur. Lise Guéhenneux & Stephane Corréard
- Principe d'incertitude, Couvent des Minimes, Perpignan

2010   
- Mulhouse 0010 /Biennale Européenne de la jeune création issue des écoles d’art

 

Résidences

2017 - Nuit Européenne des Musées - Drac Lorraine - Musée de Gravelotte
           Ecole maternelle de Gravelotte

2015 - 2016 Sugar y caramelo - Résidence Région Lorraine et Centre d’art Faux Mouvement
            Lycée Louis Vincent à Metz et internat de la réussite à Châtel Saint Germain

2015 - Nuit Européenne des Musées - Drac Lorraine -  Centre Pompidou Metz
           École Ecole primaire de Jury

2015 - L’art prend ses quartiers / Résidence ville de Metz et Faux Mouvement
           Ecole maternelle Arc en ciel - / Metz Borny

2014 - Nuit Européenne des Musées - Drac Lorraine -  Musée de la Cour d’Or, Metz

 

 

Site internet et réseaux sociaux

Source

Faux Mouvement

Dernière mise à jour le 1 février 2021