Jacques Villon graveur

Par Pierre-Yves Corbel
Les cartes, Aquatinte en couleurs de Jacques Villon

Jacques Villon, Les cartes, Aquatinte en couleurs, 1903

Jacques Villon, Premiers beaux jours ou la Dame en bleu, 1902

Jacques Villon, Premiers beaux jours ou la Dame en bleu,  1902. Eau-forte et aquatinte en couleurs.

Jacques Villon, Le fêtard, 1904

Jacques Villon, Le fêtard, 1904. Pointe sèche et aquatinte en couleurs.

Jacques Villon, Yvonne D, de face, 1913

Jacques Villon, Yvonne D, de face, 1913. Eau-forte (Photo extraite de « Jacques Villon and his cubist prints », Philadelphia Museum of Arts, 2001)

Petit bouquet, Eau-forte de Jacques Villon

Jacques Villon, Petit bouquet, Eau-forte noir et blanc, 1926 (Achat à la Galerie Louis Carré & Cie en 1963, Inv. : FNAC 28269)

L’Appel de la Vie, Eau-forte de Jacques Villon

Jacques Villon, L’Appel de la Vie, Eau-forte noir et blanc, 1938 (Achat à l'artiste en 1939, Inv. : FNAC 16320)

La lutte, Eau-forte de Jacques Villon

Jacques Villon, La lutte, Eau-forte noir et blanc, 1939 (Achat à l'artiste en 1940, Inv. : FNAC 16784). Présentée à l’exposition de la Société des Peintres-Graveurs Français, Bibliothèque Nationale, en 1940.

La cathédrale de Rouen, Eau-forte de Jacques Villon

Jacques Villon, La cathédrale de Rouen, Eau-forte noir et blanc, 1948 (Achat à l'artiste en 1949, Inv. : FNAC 21320)

 

Jacques Villon, Portrait (Fanny), 1951

Jacques Villon, Portrait (Fanny), 1951. Eau-forte noir et blanc (FNAC 22735)

La Montagne Sainte-Victoire d’après Cézanne de Jacques Villon

Jacques Villon, La Montagne Sainte-Victoire d’après Cézanne, Aquatinte en couleurs, 1924 (Inscription à l'inventaire Attribution du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le 10/11/2009, Inv. : FNAC 09-516)

Olympia d’après Manet de Jacques Villon

Jacques Villon, Olympia d’après Manet, Aquatinte en couleurs, 1926-1927 (Inscription à l'inventaire Attribution du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le 10/11/2009, Inv. : FNAC 09-522)

Le Déjeuner sur l'herbe de Jacques Villon

Jacques Villon, Le Déjeuner sur l'herbe, 1929 (Inscription à l'inventaire Attribution du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le 10/11/2009, Inv. : FNAC 09-523)

La Femme au piano d’après Gromaire de Jacques Villon

Jacques Villon, La Femme au piano d’après Gromaire, Aquatinte en couleurs, 1929 (Inscription à l'inventaire, Inv. : FNAC 08-854)

Jacques Villon (1875-1963) - de son vrai nom Gaston Duchamp - était l’aîné d’une fratrie devenue célèbre, celle des Duchamp-Villon, enfants d’une bourgeoisie normande cultivée et artiste. Son père était notaire à Blainville-Crevon, sa mère musicienne accomplie. Le grand-père maternel, Emile-Frédéric Nicolle (1830-1894), courtier maritime de profession, pratiquait la gravure avec grand talent.

Jacques Villon Belle-Époque

Jacques Villon a appris les premiers rudiments de la gravure auprès de son grand-père Nicolle qui l’accueillait chez lui à Rouen lorsqu’il était pensionnaire au Lycée Corneille. Emile-Frédéric Nicolle était d’ailleurs plus qu’un simple amateur, et possédait une technique très sûre comme en témoignent ses multiples planches aujourd’hui conservées à la Chalcographie du Louvre.

Jacques Villon fréquente l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen, puis s’inscrit à l’atelier Cormon à Paris en 1895. Très marqué par les lithographies de Toulouse-Lautrec qu’il découvre à cette époque, il commence à collaborer aux journaux illustrés parisiens, notamment L’Assiette au Beurre, Le Rire, Le Chat Noir, Gil-Blas… et exécute aussi des affiches pour des spectacles de cabaret.

La virtuosité technique de Villon est d'ores et déjà évidente, et il pratique avec une égale facilité l’aquatinte en couleurs, la pointe sèche ou la lithographie. La tonalité générale est celle de l’humour, de l’élégance, d’une certaine insouciance heureuse,  images en accord avec le goût et la mode de ces années d’avant-guerre. Son éditeur Edmond Sagot n’a aucun mal à diffuser ces productions et Jacques Villon aurait pu se contenter d’un succès facile (Photos 1 à 3).

Mais il ressent rapidement les limites de cet art plaisant, qui l’enferme et le condamne à une forme de répétition. Il y a chez lui une exigence, une probité artistique – comme d’ailleurs aussi chez ses frères Marcel (Marcel Duchamp) et Raymond (Raymond Duchamp-Villon) – qui le poussent dès les années 1910 à changer de style.

Jacques Villon Cubiste

Villon découvre le cubisme au contact de ses amis Apollinaire, Léger, Metzinger, Gleizes qui viennent régulièrement le voir dans son atelier de Puteaux. Villon n’est pas à la recherche d’un nouveau style ou d’une nouvelle mode. Il est attiré vers le cubisme parce qu’il y voit d’abord la possibilité d’un approfondissement de son art : une approche fondée sur la rigueur, l’ordonnancement, la recherche d’un effet sculptural et volumétrique et non plus sur la simple « représentation » du sujet.

Il a à ce propos des mots très éclairants : « Ce qui m’a séduit dans le cubisme, c’est la recherche de la création, la discipline qui conduit au tableau volontaire, ordonnancé, où il n’y a plus place pour le hasard…une création nouvelle qui, dans son organisation voulue, contienne un peu de la poésie, du mystère de la vie».

La démarche de Villon mêle donc une haute exigence intellectuelle et artistique (qui procède notamment de la lecture approfondie du Traité de la Peinture de Léonard de Vinci) et la recherche d’une vérité esthétique. Ceci explique qu’il restera fidèle au cubisme tout au long de sa vie mais sous une forme très personnelle, et sans jamais tomber dans la sécheresse et le dogmatisme - ce que lui interdisait d’ailleurs sa personnalité caractérisée par la discrétion et la retenue.

Le résultat sont des gravures très denses, patiemment méditées et travaillées, constituées de facettes et de hachures qui semblent décomposer le sujet mais lui donnent en même temps une présence, une vie propre, une profondeur qui attachent et sollicitent le regard. Ces gravures demandent à être longuement contemplées : peu à peu, sous la rigueur de la composition géométrique, affleurent la vérité et l’émotion d’un visage ou d’un paysage (Photos 4 à 11).

Villon interprète des Grands maîtres

La même exigence se retrouve dans les gravures de « reproduction » que Jacques Villon a exécutées dans les années 20-30. En ces années de difficultés matérielles, Villon accepta en effet de travailler pour la Galerie Bernheim-Jeune en reproduisant par la gravure (l’aquatinte en couleurs) plusieurs tableaux de maîtres modernes (Manet, Cézanne, Léger, Gromaire, Vlaminck…).

Villon aborda ces travaux alimentaires avec la même patiente détermination et la même probité que s’il s’agissait de ses œuvres propres, y consacrant un temps considérable. Le terme quelque peu péjoratif de « reproduction » ne convient d’ailleurs pas vraiment à ces gravures qui parviennent à restituer non seulement l’aspect, mais aussi la tonalité de couleurs des peintures originales. La plupart de ces planches ont été depuis acquises par la Chalcographie du Louvre (Photos 12 à 15).

Une vingtaine de gravures originales de Jacques Villon figurent dans le fonds du Centre national des arts plastiques. « La lutte » et « Fanny »  ont été déposées au Musée de l’estampe du dessin et de l’estampe originale de Gravelines en octobre 2014. Trois autres (« Petit bouquet », « L’Appel de la vie », « Cathédrale de Rouen ») viennent d’être déposées au Musée de la Cohue de Vannes (septembre 2015).
 

Pierre-Yves Corbel
Conservateur en chef du patrimoine
Mission de récolement
Centre national des arts plastiques
 

Bibliographie

Adhémar, Jean : Villon et le cubisme impressionniste. Paris : Bibliothèque Nationale, 1959

Ginestet, Colette de ; et Catherine Pouillon : Jacques Villon. Les estampes et les illustrations, catalogue raisonné. Paris : Arts et Métiers Graphiques, 1979.

Jacques Villon : master of graphic art (1875-1963). Boston : Museum of Fine Arts, 1964.

Jacques Villon : l'œuvre gravé, exposition autour d’une collection. Gravelines : Musée du dessin et de l’estampe originale, 1989.

Robbins, Daniel (ed.) : Jacques Villon. Cambridge : Fogg Art Museum, 1976

Shoemaker, Innis Howe. Jacques Villon and his cubist prints. Philadelphia : Philadelphia Museum of Arts, 2001

Vieillard, Roger : Les gravures de Jacques Villon, Jardin des Arts, n° 55, mai 1959

http://lenouveaucenacle.fr/jacques-villon-laine-des-duchamp-a-la-cathed…

Dernière mise à jour le 2 mars 2021