Gaëlle Foray, Vue de l'exposition Un air de famille - Parce que les fantômes disparaissent au lever du jour, H2M, Bourg-en-Bresse, 2018 - © Adagp, Paris

Vue de l'exposition Un air de famille - Parce que les fantômes disparaissent au lever du jour, H2M, Bourg-en-Bresse, 2018

Biographie

Gaëlle Foray - Née en 1978, vit et travaille à Hauteville-Lompnes (Ain - Montagnes du Bugey)
Co-fondatrice et membre de la Montagne Magique, Plateau d'Hauteville

« Un processus de collecte.
Je compose des photomontages et des volumes à partir de matériaux variés : photographies familiales, fossiles, pierres, gravas, bibelots. Je les ramasse dans la nature ou je les récupère dans les déchetteries, les décharges et les greniers. Il y a encore dix ans la collecte de photographies familiales était plutôt compliquée, je faisais face à des réticences de la part des propriétaires de ces images. Désormais, comme l'analyse Sylvain Besson, responsable des collections au Musée Nicéphore Nièpce, l'avènement de la photographie de téléphone portable a largement participé à la transformation de notre rapport aux photos de famille, à leur désacralisation. La collecte aujourd'hui est plus simple, les donateurs plus nombreux.

Je ramasse également des pierres, des cailloux, des minéraux et des fossiles. C'est en accumulant ces matériaux dans mon atelier qu'ils ont intégré la composition de mon travail. Les éléments en volumes se sont hybridés avec les éléments photographiques en deux dimensions. Ces croisements mettent en jeu des espaces et des temporalités différents.

Les gravas, les bibelots, les objets de souvenir ou de décoration ont également intégré mon stock de matières premières. Ce sont des motifs que j'utilisais déjà sous forme de photographie et qui habitent désormais physiquement mes sculptures. Ce mode opératoire a des traits communs avec une forme d'anthropologie ou de sociologie dont la collecte d'artefacts serait le point central. Je les sélectionne pour leurs qualités plastiques, souvent sans savoir ce que je vais en faire à priori.

Puis par infusion, dans l'atelier, ils trouvent une destination. Ces matériaux ont une puissance signifiante : les gravas sont les déchets de nos habitats, ils nous racontent autant l'éphémérité de nos vies bâties « en dur » que l'impact écologique de nos modes de production. Il y a quelque chose d'à la fois tragique et précieux à utiliser un morceau de carrelage de salle de bain qui a été le témoin quotidien d'une ou plusieurs vies. Les bibelots, quant à eux, racontent une époque, un goût du moment, la façon dont on investit les vacances ou dont on pare nos maisons. Assembler et faire émerger des récits. Mes assemblages fonctionnent par contraste : le plastique avec les fossiles, la céramique industrielle avec la pierre et les cristaux, les morceaux de photographies avec des gravas, les moulages bas de gamme avec la finesse des traces fossilisées. L'hybridation fait fonction de détonateur, d'impulsion pour faire apparaître les idées.
J'utilise également le changement d'échelle et je procède à des substitutions. Une pierre devient une montagne comme dans les suisekis chinois et japonais, des rostres de bélemnites fossilisés remplacent des arbres. J'agrège et agence ces éléments pour faire émerger des récits. Je rejoue des scènes de la vie quotidienne, de l'enfance. J'interroge nos cultures familiales et leurs motifs : les repas de famille, les cérémonies, les sorties du dimanche, les rêves stéréotypés, les habitudes. Plus largement je commente nos rapports à la nature, aux animaux, à l'alimentation, et la façon dont nous configurent les politiques territoriales, agricoles, touristiques, etc. À l'instar des Haukas dans le documentaire Les maîtres fous de Jean Rouch, qui rejouent l'oppression des colonisateurs pour la conjurer et la supporter, je reconstruis des mondes miniatures pour transcender le poids et les carcans de nos habitudes culturelles. »

Statement, Gaëlle Foray, 2021

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Gaëlle Foray - Born in 1978, lives and works in Hauteville-Lompnes (Ain, France)
Co-founder and member of "La Montagne Magique", Plateau d'Hauteville

"A collecting process.
I make photomontages and volume-based works using a variety of materials: family photographs, fossils, stones, rubble, trinkets. I collect them in nature or I find them at recycling centres, rubbish tips, and in attics. Ten years ago, the process of collecting family photographs was still fairly complicated, as I faced some reticence from the owners of the pictures. Nowadays, as Sylvain Besson, the director of collections at the Nicéphore Niépce Museum, has noted, the advent of mobile phone photography has contributed to the transformation of our relation to family photographs and to their depreciation. Collecting them is now much easier and there are many more donors.

I also collect rocks, stones, minerals and fossils. Accumulating these materials in my studio has led me to include them in the composition of my works. These three-dimensional elements have hybridised with the two-dimensional photographic elements in my work. The resulting intersections bring different spaces and temporalities into play.

Rubble, trinkets, souvenirs or decorative objects have also made their way into my stock of raw materials. These are motifs that I had already used in photographs, but which now exist physically in my sculptures. This method is in some ways similar to a form of anthropology or sociology in which the collecting of artefacts would be the focal point. I select them for their plastic qualities, often without knowing how I will end up using them.

Then, through a process of instillation in the studio, they finally find a destination. These materials are imbued with powerful meaning: the rubble is the residue of our homes, they say as much about the fleetingness of our “permanently” constructed lives as they do about the environmental impact of our production methods. There is something both tragic and precious about using a piece of bathroom tile that has witnessed the everyday lives of one or several individuals. As for the trinkets, they tell the tale of a period, of a specific taste, and of the way we spend our holidays or decorate our homes. By piecing together narratives and bringing them to light, my assemblages function by contrast: plastic with fossils, industrial ceramics with stones and crystals, pieces of photographs with rubble, low-quality mouldings with the delicacy of fossilised imprints. Hybridisation acts as a detonator, as an impulse for new ideas to appear.

I also use scale variations and substitutions. A stone can become a mountain in the manner of the Chinese and Japanese art of suiseki, and fossilised belemnite rostrums stand in for trees. I combine and organise these elements in order to bring stories to life. I re-enact scenes from everyday life or childhood. I question our family cultures and their motifs: family meals, ceremonies, Sunday outings, stereotypical dreams, and habits. More broadly speaking, I comment on our relationship to nature, animals, eating, and the ways in which territorial, agricultural or touristic policies shape us. Like the Hauka people in Jean Rouch’s documentary Les maîtres fous [The Mad Masters], who re-enact their oppression by colonisers to better ward it off and tolerate it, I reconstruct miniature worlds to transcend the weights and constraints of our cultural habits.”

Statement of Gaëlle Foray, 2021
Translated by Lucy Pons, 2022

Site internet et réseaux sociaux

Source

Documents d'artistes Auvergne-Rhône-Alpes - Partenariat Centre national des arts plastiques / Réseau documents d'artistes.

Dernière mise à jour le 15 novembre 2023