Exposition d'automne 2004

Exposition
Arts plastiques
Le Creux de l'Enfer Thiers

projet d'exposition d'Alicia Martn

Quatre artistes investissent le Creux de l'enfer avec de la peinture et une installation volumineuse. Si ces artistes viennent de l'Italie, l'Espagne, de l'Argentine et de la France, ils interrogent tous l'être et la validité de sa presence, comme mémoire, experience esthétique, culture et connaissance.

Additional information

Exposition automne 2004

Du 17 octobre au 31 décembre 2004

Vernissage le samedi 3 juillet 2004











Angiola Gatti (Italie)

Fernando X. Gonzalez (Argentine)

Alicia Martin (Espagne)

François Mendras (fr)



















Ouvert tous les jours de 14h à 19h

Entrée gratuite

Visites guidées et animations sur reservation

Librairie

Angiola Gatti (Italie)

Née en 1960 à Turin

Vit et travaille à Lavora



Density



Un maillage coloré de tracés sur des grandes feuilles de papier.







Les oeuvres d’Angiola Gatti se déploient sur le mur comme un grand parchemin. Réalisées sur papier, et présentées sans cadre ni verre de protection, elles évoquent dans leur fragilité la peau plâtreuse du mur qui se délite. Légèrement relevé sur les bords, lacéré par endroits, le support blanc exhibe parfois les blessures de son usage et dissimule sa frontière avec l’espace. C’est sur ces grandes feuilles aux grains fins qu’Angiola Gatti intervient, et sur lesquelles elle dessine avec des outils graphiques aussi variés que le crayon de bois, de couleur, ou encore le stylomine. Sans jamais s’emparer de l’espace totalement, l’artiste l’investit par endroits, par étapes, par surfaces, le peuplant de véritables galaxies hachurées et gribouillées. Les oeuvres sont de grands formats, et les détails se font si nerveux, précis, et curieux qu’ils pourraient évoquer l’aiguille d’un sismographe, la linéarité du principe d’inscription mécanique en moins, et la folie du scribe en plus. Pourtant, il y a bien ici quelque chose de l’ordre de l’enregistrement, transcription et archivage d’un moment d’existence humain, comme si tous les gestes d’une vie, sur un temps donné, se trouvaient posés tels quels sur le papier. On peut penser à Picasso dessinant l’éphémère avec de la lumière, et fixant le trait de son dessin par une photographie, quand ici le tracé fait écran à la lumière du papier.



Que l’on s’éloigne, et le vertige de l’insaisissable s’évade. Aucune forme, aucun motif ne se reconnaît dans le figuratif, nous sommes bien dans un espace d’abstraction, et qui happe la pensée dans un monde codifié par la répétition d’un tracé. La pointe du stylo-bille, du crayon de couleur ou de bois, véritable griffe à mine, trace et retrace le trait profondément gravé, laissant l’encre sur la trame du papier et le balafrant même. C’est tout un inventaire de formes qui se répètent, cercles, carrés, rectangles, ovales, spirales, toiles d’araignées, filés, masses, étoiles, ellipses, des configurations de conception hasardeuse et de caractère tramé. Peinture, dessin, tissu dessiné, le résultat en tant qu’objet fini est difficile à qualifier. Est-ce un journal personnel écrit page après page dans un langage maillé ? Sont-ce des théorèmes mathématiques indémontrables ou des graffitis sans message? Rien n’est précisé à ce sujet comme pour mieux cultiver la complexité d’un propos sans centre ou aux centres éparpillés. Si l’oeuvre se complet dans son énigme, elle s’éclaircit pourtant en évoluant dans le temps, se faisant moins envahissante sur le fond, et se parant de motifs plus clairs, plus aérés, et avec des couleurs plus lumineuses et variées. Ces traits de graphisme tricoté, ces parchemins tissés d’empreintes supposent une volition secrète dans le harpon graphique d’une triple motivation. Il y a celle de l’obsession, une obsession ferme à griffonner un espace et à donner une empreinte au temps qui passe, il y a le corps qui volontairement s’exprime par la gestuelle de la main et du bras, et enfin il y a la volonté délibérée de se confronter à la lumière, et d’entreprendre son ensevelissement par le recouvrement.

Fernando X. Gonzalez (Argentine)

Né en 1956, à Buenos Aires

Vit et travaille à Paris



Passage



Une peinture qui retient l’intime et refoule le grandiloquent.





Vivant à Paris depuis 20 ans, l’artiste argentin Fernando X. Gonzalez peint à partir de souvenirs de Buenos Aires. Il y enseignait dans les faubourgs le dessin à des enfants. Plus tard à Paris, comme ex-voto, Il avait pris pour études ces visages de jeunes indiens. Cette oeuvre chargée d’étrangeté telles en littérature les impressions d’Afrique de Raymond Roussel, par les mécanismes compliqués qu’elle déclenche, dévoile la métaphore même de ses recettes de réalisation.

Les tableaux de Fernando X. Gonzalez baignent essentiellement dans une lumière intermédiaire, quand celle du soleil hésite à céder la place d’une autre plus artificielle. L’artiste travaille sur bois, sur toile, sur papier. Les sujets qu’il traite valident des odes en forme de petites icônes sur bois. Des tableaux qui évoquent plus qu’ils ne décrivent une réalité poussiéreuse et évanescente. On reconnaîtra pourtant des aires industrielles vides de présence humaine, des quais portuaires désaffectés, des évocations de rituel populaire, des tracés de cités oubliées, et parfois encore des accointances en rapport à des souvenirs plus personnels. Sa technique picturale laisse supposer une élaboration de travail se déroulant en trois étapes. Un fond de peinture est apposé sur un support donné, puis un motif est peint sur ce fond, et enfin relevé aux traits, de qualité graphique, une dernière intervention vient souligner les contours du sujet abordé. C’est la méthode du caché/montré, chaque étape tendant à la fois à recouvrir en partie la précédente, à la fois à en accuser l’intérêt. Ses peintures sur bois laissent travailler en réserve la nature texturée du support, des fonds qui prennent alors un rôle véritablement actif dans l’engagement du vocabulaire des couleurs. Une évocation fétichiste d’attributs féminins se mêle parfois à la solitude des tableaux avec de la lingerie blanche, des vêtements ou des corsets sans âge. Si des chevelures privées de visage, un dos velouté, une épaule dénudée participent à éveiller la sensualité, l’oeuvre n’en demeure pas moins d’une grande pudeur et complexité. L’artiste peint à l’huile, embaumant ses sujets, et atténue la vivacité de ses couleurs par le deuil du blanc. Mais les mille nuances de ses gris fluctuants s’irisent de bleu, de vert, de jaune et de rose légers. De ce brouillard de couleurs, de cette poussière de soleil, de cette nuée matière calcaire, des paysages et des êtres qu’on imagine éphémères, vont naître. L’ambiance qui en résulte mobilise l’affect sur des intuitions abstraites, mi-nostalgique, mi-purificatrice, à la lisière du réel, au passage de la vie à sa perte. De manière récurrente, ses sujets ravivent une mémoire populaire, retiennent l’intime et refoulent le grandiloquent. L’artiste peint comme d’autres modèlent leurs sujets dans la terre humide, lissant sa peinture du doigt... Et les tableaux présentés ordinairement en petits groupes murmurent une conversation secrète. Avec le souffle d’un Fernando Pessoa, elle élève l’artiste au rang d’un hétéronyme oublié du célèbre poète portugais.



L’artiste est représenté par la Galerie de la Ferronnerie à Paris qui l’exposera du 20 novembre 2004 au 8 janvier 2005.



Alicia Martin (Espagne)

Née en 1964 à Madrid

Vit et travaille à Madrid



Le livre comme enjeu dans une renaissance sculpturale.





Les installations d’Alicia Martin se concrétisent par des sculptures spatiales étonnantes, envahissantes, avec en arrière-plan une complexité dramatique baroque. Le livre en est le constituant unique, un comme sujet, multiple comme objets, et qui sont recyclés d’une expression écrite à une autre plastique. D’autres réalisations de l’artiste, comme ces photographies fantomatiques de sièges et fauteuils usagés, ajoutent quelques indices à la compréhension de son entreprise artistique. Elles laissent supposer qu’il y a ici quelque chose ayant trait à la fois à la disparition de l’objet, et de l’autre à la mémoire que celui-ci aurait transmise à l’espace, et que sa présence même serait révélée. Les livres ouverts ou fermés valident dans leurs variantes innombrables (formats, couleurs de couverture, épaisseurs, quantités), la connaissance totale, l’omniscience impossible, le brassage des cultures. L’artiste réalise des installations monumentales avec des milliers de livres se déversant par la fenêtre d’un immeuble, tombant d’un plafond, ou encore débordant de derrière une cimaise. Par tourbillons, par virevoltes baroques, des monuments, véritables cornes d’abondance, vomissent des milliers d’ouvrages. Les livres se pétrifient dans un mouvement, se fixent dans le temps, comme figés dans leur chute sous le regard des soeurs Gorgones. Parfois, dans une énergie émancipatrice, ces éditions échappent aux lois de la gravité, et s’envoleront alors comme une nuée d’oiseaux dans le vide. Ici à Thiers, c’est tout le rez-de-chaussée du bâtiment du Creux de l’enfer qui se voit ainsi envahi par une multitude d’ouvrages.



Si écrire, c'est graver la mémoire, là où nous devenons fantômes de souvenirs fragiles et insaisissables, tant de livres disposés en tas, en désordre et en vrac, interrogent le respect de la culture humaine, et dénoncent ainsi la valeur dépréciatrice de son statut commercial. Si pour Jorge Luis Borges, dans La bibliothèque de Babel, tout a été déjà écrit et que nous ne sommes que les fantômes d’un grand livre qui perdure, les ouvrages et catalogues qui constituent la matière même de ce qui nous est donné à voir, ne laissent guère le temps de le vérifier par la lecture. Telles ces gargouilles de cathédrales qui dégueulent ce qui leur tombe de plus précieux du ciel, la sculpture régurgite la connaissance humaine et n’en retient par le livre que son apparence formelle. C'est dans ce moment de tension entre deux morts, entre l'inscription et sa lecture, entre perte et réjouissance, entre contenu caché et contenant montré, entre la valeur de l’écrit et sa vulgarité quantifiable, que le livre en tant qu’objet va se confronter à un labyrinthe moderne qui fait de la consommation boulimique de l’objet l’enjeu essentiel. Les singularités de la pensée se perdent dans un vacarme de forme architectonique chaotique, s'entrecroisent, et se reconstruisent dans une montagne de quantité. Les livres sans la structure stricte de la bibliothèque se perdent et se dispersent comme des âmes en peine. Leurs identités singulières s’écroulent et s’épandent dans l’espace comme une chaire invertébrée, véritable masse contestatrice qui se reconstruit une nouvelle identité critique dans la valeur sculpturale de l’in situ du lieu.



Alicia Martin est représentée par la Galerie Oliva Arauna à Madrid en Espagne.



François Mendras

Né en 1962

Vit et travaille à Paris



On pourrait dire qu’en soi, cette peinture est une exception culturelle.







Donald agressif, mickey probable, arabesque, rosace, motifs ornementaux abstraits, herbes, phénix multicolores, arc-en-ciel, souris blanche, avion, chaperon rouge, loup ; il est guère aisé de cerner dans l’oeuvre de François Mendras une thématique précise ou même un style reconnaissable. L’artiste en effet zappe sur un registre d’images cathartiques qui implique mémoire personnelle et culture hertzienne. La technique employée est des plus classiques, celle de la cire sur bois, mais avec des procédés variés s’attachant à juxtaposer un travail de peinture maîtrisée à un autre plus naïf et d’une maladresse feinte. Fa presto, réalisme simplifié, propos déviés, caractérisent l’hétérogénéité et l’ambiguïté délibérées du propos. Des formes géométriques basiques, rigoureuses, issues de l’art constructiviste ou de l’abstraction lyrique, du gothique et du contemporain, sont désorientées par des représentations facétieuses empruntées à la bande dessinée ou aux contes de fées. Dans le clivage des styles majeurs et mineurs, dans le mixage des genres, l’oeuvre se construit dans le carrefour de citations où s’entrechoquent autant de références sans liens cohérents apparents : la symétrie et sa brisure, le traitement des sujets et des fonds, la couleur et le noir et blanc, l’horizontal et le vertical, l’échiquier du mythe et du banal.



L’oeuvre de François Mendras renvoie à un protocole onirique, à une technique mnésique, et à une rhétorique picturale issue de l’inconscient. Ce cérémonial complexe remonte au jour comme à la surface du tableau sous une lecture parfois puérile, parfois critique, parfois cruelle. Toujours traitée dans la maîtrise formidable de son moyen, cette peinture cadre moins qu’elle ne disperse l’espace mental rationnel et intellectuel, et s’émancipe dans sa construction même à tout style déterminant. Quelques pistes cependant éclairent sur la conception binaire de son vocabulaire. Entremêlant abstrait et figuré, physique et métaphysique, décor et sujet, gestuel et aplat, ces registres tissés recouvrent d’un filé camouflé toute interprétation d’une finalité calculée. On pourrait dire qu’en soi, cette peinture est une exception culturelle qui puise dans le fonds de l’intuition collective. Des images s’échappent d’une pâte de peinture mentale à l’origine insondable. Rien ici de la surface pixel, c’est plutôt une sorte d’angoisse burlesque qui s’évade de la matière picturale et s’agrippe à nos mémoires incarcérées. Bruno Bettelheim affirmait que les contes de fées ne « traumatisent » pas les jeunes lecteurs, mais qu’ils répondent de manière irréfutable aux hantises premières. Dans les peintures en question, cette réponse peut se faire dans un simple motif de fer forgé à une heure de la nuit donnée. Il est possible que l’enfant qui habite toujours chacun d’entre nous ait encore besoin de se purger de ses anxiétés, et que l’individu, et que le groupe, transfèrent dans l’actualité les tourments du passé. Stratagème ou non, l’oeuvre de François Mendras affirme et démontre sa conception individuelle d’un réel intemporel. Ces images obsessionnelles régurgitées dans la part inconsciente de la peinture contribuent à alimenter la vision projective d’une modernité collectivement fantasmée.



François Mendras présentera à cette occasion une série spécifique de son travail, une série peintures sur bois alignées en ruban, de 80cm de hauteur et de largeurs variables.

















Par Frédéric Bouglé, commissaire des expositions

Et directeur du Creux de l’enfer

Contact presse : Matt Hill, co-commissaire

Other artists presented

Angiola Gatti, Fernando X. Gonzalez, Alicia Martin, François Mendras

Partners

le Ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Thiers, le Conseil Général du Puy-de-Dôme

Patronage

remerciements à : la galerie Oliva Arauna (Madrid) la galerie la Ferronerie (Paris)

Opening hours

de 14h à 19h tous les jours, vernissage le samedi 16 octobre à 18h

Accès mobilité réduite

Oui

Adress

Le Creux de l'Enfer 85 avenue Joseph Claussat 63300 Thiers France
Updated: October 13 2022