Un autre monde

Exposition
Arts plastiques
Galerie Christophe Gaillard Paris 03

 

Les miracles de Marcel Bascoulard.

Une exposition en partenariat avec Damien Voutay

L’exposition des autoportraits photographiques de Marcel Bascoulard est un événement car jamais ces images n’avaient été réunies et montrées. Leur improbable réalisation, un cas quasi unique de photographie brute, comme leur conservation inespérée, que nous devons à la bienveillance emprunte de mémoire de quelques familles berruyères, relèvent véritablement du miracle. Cette découverte jubilatoire permet de partager la merveilleuse vision d’un créateur farouchement libre, à l’imaginaire aussi merveilleux que mystérieux.

Bascoulard était une figure, un personnage de Bourges et son souvenir est encore très présent et souvent de manière très émouvante dans l’esprit des Berruyers, particulièrement chez ceux qui l’ont croisé quand ils étaient enfants. Les rapports entre les habitants et Bascoulard, subtil mélange entre fascination et méfiance semblaient parfaitement convenir à l’artiste, qui avait d’ailleurs présidé à leur institution. S’il chassait fermement les opportuns se risquant à le regarder dessiner, il distribuait généreusement et dans une belle allégresse ses autoportraits photographiques. Il est ainsi évident que son œuvre dessiné, comme son œuvre photographique découlent autant qu’ils se justifient par cet atavisme provincial, favorisant la marginalité assumée ou condamnant l’artiste à celle-ci, tout en offrant en regard une réception prudente, quand elle n’est pas méprisante, émanant d’un environnement que l’on ne peut nommer public. Les conditions de la création en province, en total opposition avec celles de Paris (absence d’échange, de soutien, d’amateur, de collectionneur, de galerie ou de lieux d’exposition…) ont ainsi paradoxalement contribué à créer des artistes absolus, d’une indépendance totale, misanthropes obligés, inaptes à la moindre concession et admissibles à la plus grande misère. Il faudra un jour en écrire l’histoire.

La réception des dessins de Bascoulard est unanime, pour le Berruyer qui flatte son attrait pour le patrimoine comme pour l’amateur qui restera fasciné par la précision et la minutie d’un trait qui le conduit au-delà du réel. Il n’en fut pas de même pour ses photos. Il va de soi qu’un homme vêtu en femme, ce n’est pas convenable. Toutefois, un consensus s’opère pour dire que ces images qui travestissent la réalité, ne provoquent ni n’agressent le spectateur car elles sont simplement dénuées de toute intentions sexuelles.

On constatera certainement que la figure humaine est totalement absente de l’œuvre dessiné de Bascoulard et que sa seule représentation demeure donc celle des autoportraits photographiques.  La création de ses images vise à atteindre un idéal, un Comme je voudrais être, voire même comme je voudrais que le monde soit, puisque tel qu’il est je ne le vois pas ou ne veux pas le voir. Bascoulard crée alors son personnage fantastique, héros de conte de fée, surgissant comme dans un songe aux détours des arrières cours délabrées ou entre les flaques d’un terrain vague. Une subtile tendresse, une douceur généreuse et protectrice, un idéal affectif, peut-être maternel, se dégagent ainsi de ces petites icones aux vertus étranges et magiques que Bascoulard offrira comme des images pieuses.

Bascoulard débute ses séries de photographie en 1942, le désir d’échapper au quotidien morose de l’occupation y est peut-être pour quelque chose, toujours est-il que la plus grande précarité présidera toujours à leur réalisation. La prolongation de cette mission jusqu’à sa mort en 1978 est stupéfiante, tout comme la permanence de cette obsession minutieuse, qui lui fait scrupuleusement numéroter ses poses, consigner les jours et les heures de prises de vue, voire les lieux aussi improbables soient-ils.

L’aspect vestimentaire, quelle leçon de mode, est d’une richesse formidable. Bascoulard concevait les patrons de ses tenues et les faisaient ensuite réaliser par des couturières voire même, sublime cocasserie, les orphelines d’une école d’apprentissage. Pas une ne semble nous êtres parvenues. Ce vêtement est l’unique vecteur de la mue, Bascoulard ne se maquille pas et ne cherche pas à modifier les traits de son visage, ces cheveux, apanage du clochard, sont au mieux coiffés.

Ultime paradoxe, sur presque toutes ses photographies il tient dans sa main droite un miroir ou plus exactement un morceau de miroir, étrange pour quelqu’un qui se moque de l’apparence de sa figure, mais fabuleux pour la métaphore du renvoi de l’image, l’essence de la photographie, une photographie dont il a instinctivement et magistralement saisit l’essence pour nous offrir ces fragiles images, rêve féerique et concret de son autre monde.

 

 

Opening hours

du mardi au vendredi de 10h30 à 12h30 et de 14h à 19h le samedi de 12h à 19h

Adress

Galerie Christophe Gaillard 5 Rue Chapon 75003 Paris 03 France
Updated: October 13 2022