du classicisme

Benoît Maire & Alex Cecchetti
Exposition
Arts plastiques
Galerie Thomas Bernard Paris 03

 Alex Cecchetti à Bordeaux

 

 
Quand le soir prolonge son désir jusqu'au soir d'après,
Alex Cecchetti prend des photos.

 


 

À nouveau je gagne une mesure de ce que je peux,
Dès lors je pense à Alex et son courage.
Il m'en donne pour connaître des objets
Qui étaient, à l heure, cachés.

 


Bientôt un feu nous rassemblera pour parler des mystères.

 

 

Benoît Maire

 

 

Benoît sans Maire

 

 

 

Une allégorie est une figure rhétorique. Une figure rhétorique est une forme qui insiste à se manifester dans le langage, jusqu'à devenir manière. Une allégorie est donc une manière de parler d'une autre manière d'une autre chose. Confus ?

 

Chaque fois que nous représentons une idée abstraite avec un objet, nous produisons d'une certaine façon une allégorie. Même si une allégorie est une constellation cristallisée de métaphores, elle n'est pas une métaphore. La métaphore est directe, créatrice, elle produit l'idée du temps comme argent, mais de la même façon, elle pourrait faire du temps un escalier. Le temps est un escalier, ou l'argent est une chaise. Au contraire, une allégorie fait croiser des métaphores entre elles, de façon à produire un filet de sens avec des mailles très serrées. Les choses n'échappent pas à l'allégorie, mais d'une certaine façon elles n'y rentrent pas non plus. C'est un filet pour pêcher ailleurs et, dans ce système de renvois, l'auteur a une idée bien précise de la figure qu'il veut produire. C'est pour cette raison que l'allégorie est toujours dans la représentation et souvent au service du pouvoir. Une mascarade ? On verra bien ?

 

Le travail de Benoît s'articule dans une toile d'araignée tendue entre des problématiques esthétiques et philosophiques qui se trouvent ailleurs. Suspendus ici, nous nous sentons pris en cage et immobiles. Mais lui, Benoît, est comme une araignée, il ne s'y colle pas. De la peinture de la Renaissance à la nouvelle métaphysique de l'événement, quelque part là en bas où se trouve la psychologie du désir sans objet. Si on devait prendre une photo de cette architecture, une seule image de toutes les constellations de référence, la vision serait vertigineuse et le palais aurait des zones obscures, des escaliers tremblants. Mais ce filet qui soutient et qui donne corps à une seule table, à une seule sculpture, à une seule

 

photographie, est, peut être, seulement un instrument parmi d'autres. Depuis cette perspective, l'hypothèse plus simple à formuler sur le travail de Benoît, est celle fascinante d'un mouvement de la théorie, du concept à la forme. Mais cette hypothèse, vous le voyez, ne capte pas la différence essentielle entre aller vers et aller avec. Une forme n'est pas une représentation d'un concept, ni la tentative de sa vérification. Ou alors elle ne le devrait pas.

 

Imaginez, et ce n'est pas difficile, que ce ne soit pas l'artiste qui recherche une forme,  mais que ce soit la forme qui insiste sur l'artiste. Pourquoi ? Mais pour exister. Vous le feriez aussi si vous étiez menacés par le néant. Vous essayeriez de trouver la façon de vous répéter, pour continuer encore à marcher dans ce monde et aussi dans le prochain. Cette forme qui essaie de se reproduire à chaque fois dans le travail suivant, on doit la penser comme quelque chose qui complique, quelque chose qui diffère. La complication est la seule possibilité d'exister pour cette forme. Celle-ci

 

ne correspond point à une vision romantique de l'artiste ou de sa démarche artistique, ici je vous parle d'une promenade, une balade quelconque, où on ne monte pas à haute altitude. Si, au contraire, ce jardin vous apparaît comme un précipice romantique, tant mieux. Tout est tellement ennuyant dans le monde du matérialisme cynique que ce qui produit le plus grand plaisir est d'essayer la folie.

 

Pour mieux décrire ce que je veux dire par complication, je pourrais vous raconter pourquoi il n'y a rien qui agace plus que d'avoir le contrôle total dans son propre travail. Ça serait comme se balader sans voir l'envol soudain d'un cygne ou sans la découverte d'un cadavre. Car si vous avez tout calculé disons d'un travail, d'une forme, si vous avez des réponses pour chaque choix, et si surtout chaque détail est connu et compris même à ceux à qui ce travail s'adresse, à quoi ça sert de l'exposer ? À quoi ça sert de le formaliser d'une autre façon quand il suffirait d'en illustrer les intentions ? C'est là, dans la décision consciente de perdre l'autorité que réside la genèse de cette forme que je vous demande de reconnaître.

 

Je pourrais évidemment vous raconter pourquoi l'investigation d'un concept amène toujours à questionner l'objet, car chaque mesure prévoit un instrument, que ça soit un pied, un pouce ou même la table où se trouve le microscope. Et encore je pourrais éloigner chaque objet de vous et vous faire croire qu'un stadia est un arbre et qu'un gyroscope est une méduse. Car qu'est ce qui vous dit que nous ne sommes pas les compas de quelque chose d'autre ? Voici, maintenant vous aussi le voyez, peut être, que les opérations de Benoît ne sont pas des opérations chirurgicales sur le corps du concept, ni des peintures logiques, ni moins encore des essais de théorie.

 

Comme beaucoup d'autres, ce qu'il essaie de faire est de se compliquer la vie.  Que seraient ces tables et ces instruments qui ne servent à rien, sinon des allégories ?

 

La personne qui soulève cette question serait dans le juste : les allégories de Botticelli.  L'Île de la répétition de Benoît Maire peut être vue comme un olympe, où différentes figures conceptuelles prennent forme. Comment, alors, détruire une allégorie ?

 

J'avais un secret, maintenant je ne l'ai plus. J'ai travaillé en atelier avec Benoît plus d'une fois, et ça se passe toujours de la même façon quand nous sommes ensemble. L'objet est là, fait comme une idée, quelque chose qu'on aurait pu écrire et laisser noir sur blanc. On l'observe, il est là, on bouge un peu la tête et on dit non. Non quoi ? Non, trop facile. Et alors on doit recommencer du début, ou alors couper ou ajouter. C'est à ce moment-là que la forme prend son chemin dans la fente qu'on a grand ouvert, l'ouverture de la possibilité, de la complication. Cette forme que nous invitons, doit être capable de remettre en jeu la problématique, faire devenir la réponse une question, isoler les convictions et les ridiculiser. D?une certaine façon, et si vous me permettez une autre métaphore, celui qu?on invite est un bouffon, le carnaval.

 

J'ai ressenti une ouverture de ce type en écrivant ce texte, j'ai à nouveau essayé la forme. Je vous laisse alors avec une autre question. Qu'est ce que c'est un texte ? Eh bien, quand on nous a dit que tout est texte, peut être que nous avons mal lu, mal compris, peut être que le texte aussi était imprécis.

 

 

 

Alex Cecchetti

Horaires

du mardi au samedi de 12h à 19h et sur rendez-vous

Adresse

Galerie Thomas Bernard 13 rue des Arquebusiers 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022