À corps & à textes

L’exposition « À corps & à textes » explore les relations, tant contradictoires que fertiles, entre l’écriture et ses potentiels narratif, poétique et analytique, à travers les formes et expérimentations variées de sept artistes dont la plupart exposent pour la première fois en France. Le concept d’« À corps & à textes » pourrait se résumer à un équilibre précaire entre des stratégies qui emploient toutes l’écrit en tant que moteur de création, pour prendre tantôt la forme du récit subjectif comme moyen de sublimer l’objet d’art, tantôt l’investigation analytique du langage comme façon de reconquérir une physicalité de l’œuvre. Les œuvres des artistes invités se situent donc dans l’interstice entre deux démarches : l’écriture comme force de dématérialisation et la typographie comme sculpture. L’existence d’une infinité de nuances poétiques — aussi innombrables que les schémas narratifs utilisés par les artistes pour réassembler les fragments du réel — suffirait à transformer la chronique la plus subjective du quotidien en mythologie grandiose et l’analyse de texte la plus scrupuleuse en objet concret. L’écriture est le fil rouge qui relie ces deux pôles, créant une porosité entre les œuvres présentées. Les fluctuations de significations qui en résultent se reflètent dans le titre en forme de jeu de mots « À corps & à textes » qui souligne la nature physique du texte, son existence en tant que corps occupant matériellement un espace. Ainsi, l’installation sonore de Clare Gasson et la vidéo d’Orla Barry témoignent d’une recherche intime sur l’écriture comme empreinte de la subjectivité de l’artiste ; chez Alexandre Singh les fictions et sciences-fictions qu’il incorpore librement dans ses complexes installations sont les catalyseurs d’une historiographie parallèle, alors que la sculpture ausculte la matérialité typographique de l’écriture chez Michael Dean. La vidéo de Falke Pisano, quant à elle, propose d’utiliser l’écrit comme instrument d’analyse des fondements intellectuels de l’objet d’art, tandis que l’installation de Reto Pulfer, dont les divers éléments s’agencent en configurations variables, s’apparente à un exercice mnémotechnique dont l’exécution engendre un texte à déchiffrer. Enfin, dans ses lettres ouvertes aux éléments naturels, Richard T. Walker livre un commentaire interrogeant les fondements du discours romantique, par le biais d’une psychologie des échanges dedans-dehors. Les mots ont également leur importance dans les livres et éphémèras d’artistes centrés sur l’écrit, ici réunis dans une salle dévolue à leur consultation qui élargit le propos de l’exposition. Le résultat tient dans un équilibre unique de mythologies fictives et de cosmogonies mentales touchant, ne serait-ce que du bout des doigts, les raisons qui poussent les artistes à éprouver le besoin d’écrire, toujours et encore écrire. Partie intégrante d’« À corps & à textes », un programme parallèle d’évènements (projections, performances, lectures...) autour des croisements entre écriture et processus artistique se déroulera dans différents lieux à Noisy-le-Sec et à Paris, impliquant des artistes basés en Ile-de-France.